Iléus Papillon : Tribòbabò



Par Mario Malivert


Tribòbabò, le premier recueil de poèmes en haïtien d’Iléus Papillon, est un hymne au rêve. Qui d’autre rêve plus et mieux que le poète. N’habite-il pas un univers d’éther, entouré de muses et de nymphes, souffrant, chantant pour tout un peuple? Papillon se réveille avec ses rêves, « Nou lave je-n ak rèv », les pond à tort et à travers, « Nan ponn rèv lanvè landrèt », peine à les circonscrire, « rèv nou pi lou pase tèt nou » ; et propose de les échanger avec nous, « Moun boukante rèv ». Mais que rêve-t-il enfin ? Des rêves de bossu :

Tout rèv mi soupye
Tout rèv granmoun depi nan vant
Rèv mouri nan tèt
Pagen rèv ki pa fonn anba dra
(Rèv bosi, Page 25)

Pierre Moise Célestin, Poète en Temps de Détresse


Par Mario Malivert


Il revient au poète d’exprimer les émotions les plus fortes, d’interpréter le caquet des oracles, ou de déchiffrer les hiéroglyphes des mausolées. Certains prennent des années à creuser des brèches, interroger des gestes, et longer des tunnels aux détours imprévisibles pour saisir le langage des yeux éteints et le pourquoi des cataclysmes. D’autres s’accrochent aux passerelles monotones du présent pour éviter les coins lugubres du passé. Laisser dormir les morts, dirait-on. Tout comme Dany Laferrière avec « Tout bouge autour de moi » (2010, Ed. Mémoire d’encrier), qui a à peine laissé les cendres se refroidir sur Port-au-Prince, Pierre Moise Célestin ne se fait pas prier: il a répondu à sa vocation de chantre à travers son récent recueil de poèmes, « Le Cœur sous les décombres » suivi de « Ce pays à genoux dans ma voix » (2010, Ed. Bas de Page). Il s’est fait “Poète des décombres” qui reprend “la marche du silence/Pour honorer la mémoire/Des victimes.”

Noires Blessures de Louis-Philippe Dalembert


Par Mario Malivert

Publié dans Le Nouvelliste du 17 janvier 2013

Noires Blessures s’ouvre sur une scène de torture ; un Blanc passant un Noir à tabac, tout en écoutant du Miles Davis et déplaçant ses jambes à la Muhammad Ali. Une scène dont les descriptions teintées de sang et gorgées de jazz transpirent à la fois du sadisme et de l’absurde. S’installe un sentiment de choc et de gêne, même si la violence a peuplé déjà de nombreuses œuvres littéraires, dont les romans de Cormac Mc Carthy ou même Le briseur de rosée (The dew breaker) d’Edwidge Danticat. Le récit se donne un air morbide qui dérange et attire à la fois. Des questions surgissent entre les lignes, entre les gifles, entre les coups de pied.