Livres en folie peut-elle être considérée comme notre rentrée littéraire?


La rentrée littéraire 2015 bat son plein en France. Les éditions, de tout acabit, livrent sur le marché du livre près de 600 romans, dont 68 premiers romans, qui sont donc en compétition pour gagner l’attention des lecteurs. Une trentaine de livres seront en liste pour des prix littéraires à partir de novembre. Les éditeurs s’acharnent à propulser leurs auteurs respectifs sur le devant de la scène. Les critiques littéraires piquent et décortiquent les romans proposés. Cette année, je ne crois pas qu’il y a un auteur haïtien dans cette rentrée. L’année dernière (2014), Yanick Lahens a présenté Bain de Lune et gagné plus tard le Prix Femina. Avant, en 2013, Mackenzy Orcel a proposé Les Immortelles. En 2012, Lyonel Trouillot a passé à deux doigts du Goncourt. En 2009, Dany Laferrière allait gagner le prix Médicis avec Enigme du Retour. La rentrée littéraire inclut tous les genres, mais la majorité des livres bénéficiant de recension dans les quotidiens et magazines, et sur les blogs, sont surtout des romans. C’est bien la dictature des romans, comme aimeraient le dire bon nombre de commentateurs.

La rentrée littéraire est avant tout une tradition française. Le Canada s’y mêle aussi, surtout du côté du Québec. Devrions-nous avoir une rentrée littéraire en Haïti ? Livres en folie ne représente-t-elle pas une sorte de rentrée littéraire ? Oui, mais…La rentrée littéraire française fait un tri parmi les publications. Les éditeurs jouent un rôle primordial dans la sélection de leurs meilleurs livres et auteurs. Alors qu’en Livres en folie, les éditions ne filtrent pas les publications. Les livres, bien ou mal écrits, bien ou mal présentés, sont publiés. Les quelques semaines qui précèdent Livres en folie devraient représenter une plateforme pour promouvoir les meilleurs livres. Les quelques recensions publiées dans le Nouvelliste découlent surtout de la relation des auteurs avec les critiques que d’une démarche impartiale. Donc, Livres en folie pourrait représenter notre rentrée littéraire à nous, mais si et seulement si les éditions et les critiques jouent leur partition.
 
Mario Malivert, Auteur de La tête chauve des mornes
 

 

Quel encadrement pour nos aspirants écrivains?


Dans certains pays, un encadrement existe pour le développement des aspirants écrivains. Par exemple, aux Etats-Unis, certains lycées (high school) possèdent une revue dans laquelle les élèves (du cycle secondaire) publient des poèmes et des récits. De même, au niveau collège (faculté/université), presque chaque institution possède un magazine que peuvent utiliser les étudiants intéressés aux belles lettres pour développer leur talent. Ainsi, des milliers de revues sont disponibles aux jeunes auteurs. De plus, plusieurs de ces revues ou magazines offrent des prix littéraires aux auteurs les plus remarquables, ce qui aide à confirmer les vrais talents et à étoffer les notes biographiques.
Avec un pareil accompagnement, existe au pays de l’Oncle Sam toute une pépinière de futurs écrivains, assurant ainsi une relève certaine quand les Philip Roth, Carol Joyce Oates, Edwidge Danticat, Cormac McCarthy, etc. choisiront de prendre leur retraite.

En comparaison, qu’avons-nous en Haïti pour encadrer nos aspirants écrivains ? Quel magazine littéraire dispose le futur Gary Victor, qui est maintenant en 3eme année fondamentale, pour explorer son amour des mots ? Aucun. En fait, même au niveau national, on peut compter du doigt le nombre de revues littéraires publiées régulièrement sur format papier ou même en ligne. Nos jeunes sont donc livrés à eux-mêmes ; certains abandonnent leurs rêves d’écrivain en cours de route, d’autres se résignent à des professions ou occupations pratiques pour s’assurer un gagne-pain. Et ceux qui persévèrent, qui se creusent un parcours malgré vents et marées, méritent tout notre respect.

Mario Malivert, auteur de La tête chauve des mornes

Poésie à bon marché

Par Mario Malivert


Au sortir d’un restaurant près de Gelée, la plage très connue de la ville des Cayes, je fus accosté par un jeune homme à l’air timide, pouvant à peine projeter sa voix. Je m’attendais à une requête du genre, « Est-ce que vous pouvez m’aider à acheter de quoi manger », mais grande fut ma surprise quand il me tendit un livre, disons mieux une brochure, et marmotta : « J’aimerais vous présenter mon livre. » Je feuilletai la brochure—un recueil de poèmes, et parcourut des yeux quelques des poèmes. « C’est à cinquante gourdes seulement,» il ajouta, comme s’il me vendait des mangues. Devant mon air hésitant, il enchaina, « Si vous voulez, je peux déclamer un poème pour vous. » Les choses prirent une allure de plus en plus intéressante. « Oh yeah, exclamai-je, vas-y. » Et il commença par réciter un poème, mais avec de grands gestes. Après quelques vers, je lui fis signe d’arrêter. Je lui tendis 100 gourdes, non seulement pour acheter le livre mais pour lui démontrer que son livre vaut plus que 50 gourdes. Je lui conseillai de se trouver un éditeur pour que ces prochains livres soient publiés et distribués en bonne et due forme.