Ce que disent les critiques

« L'agonie de ton absence », du choc à l'émotion

Publié le 2020-07-20 | Le Nouvelliste

Par Ricot Mac Sony

Le roman de Mario Malivert, « L'agonie de ton absence » à l'allure d'une chronique familiale, raconte à travers la voix d'un vieillard de 84 ans la nostalgie et les péripéties de sa famille. Un roman mutant!

Né à Port-au-Prince, Mario Malivert est l'auteur de quatre recueils de poèmes et d'un roman "Jeune gens de mon pays" (éd JEBCA, 2017), "L'agonie de ton absence", son second roman paru aux éditions JEBCA en 2019 a pour toile de fond l'absence. L'absence d'une femme. L'absence d'un fils. L'absence de son pays, l'absence d'une famille, l'absence d'une bonne conjoncture politique. Toutes ces absences se croisent dans une agonie.  Et ce n'est qu'à la dernière page que le lecteur saisira la subtilité du propos et l'intelligence du déroulement du récit. Le roman en lui-même est court. C'est comme si l’auteur avait voulu évacuer l’inutile, l’accessoire, pour aller à la recherche de l’essentiel. Avec une écriture très claire, le lecteur prendra plaisir à partager les aventures, les émotions et les réflexions de ce conteur dès l'incipit du roman "Je vais rester ce matin dans cette chambre senteur d'oubli, à ne rien faire. Je suis fatigué d'être toujours obligé de faire quelque chose".

Jérôme Bazar a quatre-vingt quatre ans. Chrétien au plus profond de son âme, il est marié le 21 avril 1962. Après 45 ans de mariage, sa femme est morte d'un cancer d'estomac. Aujourd'hui, il fait semblant de vivre. Cet homme souffrant a vu venir la vieillesse comme la nuit qui avance dans un après-midi splendide. C'est Dieuline, la femme de ménage, qui l'aide à soutenir son corps. Ses quatre enfants, Jean-Luc, Jerry, Justin et Marilyne, vivent aux États-Unis. Parmi les quatre, seule sa fille l'appelle pour prendre de ses nouvelles. aussi remémore-t-il ces souvenirs pour survivre. Pour combattre la solitude. Durant ces remémorations, il évoque l'histoire de sa famille.

Au début, Jean-Luc, l'aîné, avait décroché une bourse pour étudier les sciences informatiques. Après ses études, il rencontre une femme d'origine haïtienne qui lui accorde résidence aux USA. Cette green-card a tracé la voie à la famille Bazar pour résider dans le pays de l'Oncle Sam.

Attaché à sa terre natale, le père Bazar est très hésitant quand-il s'agit de partir vers d'autres rives. Mais son fils insiste. Après ce premier voyage, ils retournent au pays. Dommage ! Après leur retour, des hommes armés rentrent chez eux pour rechercher un militant lavalas connu sur le nom de Jean Legros. Après ce choc horrible, la famille est obligée de laisser définitivement Haïti sous l’insistance de leur fils Jean-Luc. Durant le séjour de Jérôme Bazar aux États-Unis, il guette sans cesse le retour du président Aristide pour retourner  dans son île qui lui manque cruellement. Après les crises politiques, il retourne en Haïti avec sa femme. Ses enfants restent en terre étrangère pour continuer leurs études.

Dans ce récit à la première personne, le narrateur ne cesse d'évoquer ses existences intérieures et celles de sa famille, de son amour pour sa femme. Comment il a survécu au séisme qui a dévasté Haïti le 12 janvier 2010 ; tant d'histoires qui nous mettront dans le doute, jusqu'à installer le réel dans l'irréel.

Mario Malivert a fourni au public un très bon moment de lecture avec suspens, sens du rythme et d'humour.

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 « L’agonie de ton absence », de vieilles réminiscences au crépuscule d’une vie

Publié le 2019-10-07 | Le Nouvelliste

Par Eunice Eliazar

Dès l’incipit de ce texte on se sent pris, non au piège, mais par une vive curiosité. « Je vais rester ce matin dans cette chambre senteur d’oubli, à ne rien faire.» La construction de cette première phrase peut interpeller, certes, mais toutefois l'idée directrice s'affirme tout au long des paragraphes qui se succèdent. Paradoxalement, les premières pages décrivent des souvenirs d’une vie en évoquant l’oubli comme pièce maîtresse, tel une sorte de remue-ménage proposé dans la construction du récit. L’aventure de cette écriture simple fait appel à la mémoire d’un vieil homme de quatre-vingt-quatre ans qui ressasse les reflets de sa petite vie tranquille ou agitée selon les périodes contées.

 « L’agonie de ton absence » est une histoire triviale et ordinaire d’une certaine famille de la classe moyenne en Haïti. D’une épouse, mère de famille qui n’est plus (Marianne), jusqu’aux enfants émigrés chez l’Oncle Sam (Jean-Luc, Jerry, Justin et Marilyne), le vieillard qu’est devenu M. Jérôme remonte l’écume des jours sur des souvenirs colorés ou moroses, tout dépend de la fraîcheur, de la lenteur, du silence et des troubles sociopolitiques qui apprivoisent le quotidien de cette famille. Toujours prêt à lever l’ancre pour s’ouvrir à cette dernière impasse de sa vie dans un décor où la solitude nourrit la mémoire, le vieil homme est « riche du temps », le temps qui lui reste pour côtoyer, tout seul, les moments de son mariage, la naissance et le départ de ses enfants.

 Recelant des zones d’ombre de la réalité haïtienne, cette histoire fait la radiographie d’une famille de six personnes qui habitait à Delmas. Le temps de cette vie commune n’est peut-être qu’un lointain souvenir mais le narrateur, par sa foi en Dieu, puise la force nécessaire qui lui permet de se fixer malgré une situation politique qui ne diffère pas de ce que l’on vit actuellement dans le pays.

Dans ce récit à la première personne du Dr Mario Malivert, on notera quelques petites ellipses et des fautes de frappe dans le style. Sur le fond on se questionne sur cette classe moyenne, passive, qui se satisfait de trop peu, incarnée en la personne de M. Jérôme, même si elle reste attachée à ce pays. Phénomène qu’on peut considérer comme existant effectivement dans notre société d’aujourd’hui.

Le vieillard dans le miroir qui se regarde face à la vie en se plongeant dans ses vieilles réminiscences harmonise les accords de ce roman qui s’effilochent entre les doigts de l’auteur.  On y reconnaîtra la notion du « stade miroir » qui n’est pas dans l’assomption du « Je » d’un enfant qui tente de prendre contact avec lui-même ou la constitution de la subjectivité comme le psychanalyste français Jacques Lacan l'énonce, mais plutôt une forme de reconnaissance et de conscience d’une vieillesse ramollissant les os et ankylosant les articulations face au miroir.

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La question religieuse chez les jeunes gens d’Haïti

« Le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas. » (André Malraux).

Publié le 2017-04-21 | Le Nouvelliste

Par Wébert Lahens

Le Dr Mario Malivert aborde, dans son premier roman, « Jeunes gens de mon pays», Ed. JEBCA, Miami, 2017, 334p., une question fondamentale : N’y a-t-il plus de place chez nos jeunes pour concilier sexe et foi religieuse ? Est-ce toujours la «glorification du sexe » ? Et le cheminement spirituel du jeune? Quelle que soit sa croyance religieuse : catholique ou protestante, le jeune pratique souvent, en dehors de sa foi chrétienne, le sexe prémarital. Dès qu’ils sont en relation, c’est d’abord le coït ou, pire, la fornication comme chez Richard, le personnage central du roman : aucun dépassement de soi, de transcendance. La réflexion sur la foi, sur les implications du jeune dans le sens de ses rapports avec Dieu constitue notre construit dans ce bouquin du Dr Malivert. Dans « Les temps de la cruauté», Ed. Philippe Rey, 2017, Gary Victor a insisté sur un aspect particulier de la spiritualité : la question de Dieu par le pèlérinage à la Vierge, sous toutes ses formes : Vierge des sept douleurs, Vierge de la sainte Désermite, la Vierge de Valencia, etc.

Le Dr Malivert s’ouvre dans un autre discours de la spiritualité : le jeune peut-il aimer sans réduire l’amour au coït ? Y a-t-il possibilité de se convertir, d’« accepter de naître de nouveau » ? Les jeunes gens peuvent-ils s’enrichir à travers l’amour ? Visent-ils à supprimer certaines pratiques sexuelles qui font du jeune des accros ? Le poète-écrivain a peint les jeunes gens tels qu’ils sont. Soit directement liés, dans leur passé, au gouvernement de Duvalier, à travers leurs pères ou parents proches, soit, comme ceux d’aujourd’hui, des accros de Facebook, Twitter, WhatsApp et autres réseaux sociaux. Les jeunes du passé, comme ceux d’aujourd’hui, ignorent les conséquences de l’acte sexuel irréfléchi.

Le roman se déroule entre 1980-1990: d’abord, sous le régime des Duvalier. Ensuite, après-Duvalier, par exemple, l’élection ratée du 28 novembre sous le CNG (Conseil national de gouvernement) présidé par le général Henri Namphy, avec la tuerie à la ruelle Vaillant. Richard et la paternité Le déroulement de l’histoire dans le roman tourne autour de Richard – le frère aîné de David –, le narrateur. L’absence du père a orienté la vie de Richard. Dès son plus jeune âge, son géniteur évite de passer du temps à la maison familiale. Cela l’a terriblement marqué : « Papa, avant lui, a été absent presque toute notre vie ». Ensuite, cette interrogation du narrateur : « Papa avait-il des regrets, des regrets de nous avoir laissés derrière, d’avoir raté notre adolescence, d’avoir forcé maman à jouer le rôle de père et de mère à la fois ? » Les jeunes ont la mémoire immédiate ; ils enregistrent tout ce qui n’est pas bien fait, et vous condamnent pour un détail. Après le départ du père pour Saint-Martin dans les Antilles et, de là, pour les États-Unis, à New York, la maison le repousse ; il ne s’y sent pas à son aise. Malgré la présence de maman. Elle aussi s’est « refugiée » aux USA. Pour s’accepter, Richard sort tôt le matin pour aller à Gamino (une école pour enfants) et rentrant tard la nuit... En outre, le fait d’ignorer son père, il marche, à son tour, sous les ordres de ‘Pouchon’, son fils : « Lui auparavant qui ne ne soucia que de ses cigarettes et de ses escapades à l’hôtel Le National, avec des filles qui parfois payaient pour le bon temps, le voici maintenant en proie aux exigences d’un nourrison, dont les désirs –ou les cris stridents – sont des ordres. » Sabine, parmi ses conquêtes, est devenue sa femme ; elle « croyait que la paternité ferait grandir Richard, que son mari serait devenu plus apte à prendre sa vie au sérieux, à passer du temps au foyer, et à cesser de courir les rues après les pimbêches(2).» Au lieu de donner l’amour paternel à son premier enfant, il court les rues ou les maisons de passe à Carrefour. Richard et les filles du quartier Ici - à Carrefour-feuilles, il les couche presque toutes : Solange, aux seins de grenade ; Chantale, de haute taille, un corps superbe, mais des seins lourds et pendants –comme deux calebasses vertes ; Martine, une fille noire, svelte, au sourire éclatant, ravie à son jeune frère David, une réputation de salope, ne pouvant dire non aux hommes, à peine habitée à la rue Jean-Baptiste (Carrefour-feuilles) ; Andromaque (Sandra), l’amour d’une soirée, lui inspirant le dégoût ; cette protestante, il a utilisé une autre stratégie pour la coucher : se faire donner une leçon de Bible ; elle s’est jetée elle-même dans ses filets ; les protestantes humilient souvent, avec n’importe qui, leur profession de foi.

Aucune fille ne lui résiste. Ginou : 19 ans, rétiçante au début, avant de s’avouer vaincue, à Curaçao et accepter d’être dépucée. Elle n’a pas sali le lit avec du sang, ainsi que Sabine, sa femme. Elle a accouchée d’une fille –Gigi. Richard a dû se rendre à New York, après avoir perdu son job, voilà six mois déjà, pour nourrir ses deux enfants. La question de la foi religieuse C’est l’autre aspect important du roman : la foi religieuse. David, le narrateur, a engagé, dans ses réflexions, un aspect particulier : la foi religieuse des jeunes et la sexualité. L’histoire part de la conversion de Marcel, un ami de Richard. Il a tout abandonné : le vol, la drogue, voire un côté homo pour aller à la rencontre de Dieu. Cette confession a touché David : « Un jour j’ai rencontré Roland, et il m’a parlé de Jésus. » « Ne te fais pas de souci pour David, répondit Richard à ses acolytes, il est plus près de Jésus que tu le penses. » « Le spiritualité m’a toujours tenté. Une vie conforme aux principes de Dieu », a renchéri David. Celui-ci cherche à partager ses ambitions, son désir de se rapprocher de Dieu avec Carmélite, sa compagne. Seule la parole de Dieu peut changer les jeunes. Dieu, « ce n’est pas une question de religion, mais de spiritualité. » Elle a résisté et lui a lancé un ultimatum : choisir entre elle et sa foi. Il a pourtant insisté sur le fait que « le choix d’un conjoint est l’un des moments les plus marquants de la vie d’un individu, surtout qu’en tant que chrétien on se marie pour la vie. » Cependant, dans sa tête, il regardait à l’intérieur de Camélite, là « où la beauté de son âme m’impressionnait. »

« Nous les jeunes, conclut l’auteur Mario Malivert, devons prendre en main le destin du pays. Nous sommes l’avenir. »

 

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Mario Malivert s’installe chez les jeunes gens d’Haïti

Publié le 2017-06-14 | Le Nouvelliste 

Par Webert Lahens

Le Dr Mario Malivert traite un sujet ayant plein d’intérêt dans son premier roman : « Jeunes gens de mon pays, Ed. JEBCA, 2017, 334p. ». Il entame un sujet d’actualité : le sort de la jeunesse abandonnée par les parents en Haïti. Il va faire recette, les 15 et 16 juin à Livres en folie et bien au-delà de cette grande foire. Dans deux cas : une mère, sans le papa, tente d’élever les enfants ; ou le géniteur, sans la mère, retenue dans les filets rutilants des dollars –aux USA, au Chili ou ailleurs, se débrouille pour construire le futur de ses enfants. Quel que soit le cas de figure, les enfants devenus adultes perdent souvent le sens de la famille. On s’attend à des comportements bourrés de frustration. De préjugés : ils n’acceptent pas ceci ou cela ; d’autres fois, s’il s’agit de jeunes hommes, comme Richard, il concilie frustration individuelle avec obsession du sexe. Dans le roman du Dr Malivert, il couche presque toutes les filles dans son environnement. Dont certaines tombent enceintes. Il se résigne à se marier avec l’une d’entre elles - Sabine. À titre de compensation, il voyage pour aller retrouver lui-même ses propres parents. Et répéter, à n’en plus finir, le cycle infernal de la reproduction de l’ailleurs. Un au-delà utilisé comme une question fondamentale chez la jeunesse actuelle: N’y-a-t-il plus de place, chez eux – chez nous- pour les jeunes pour concilier l’envie de voyager et le développement de leur propre avenir ?

Chez le personnage central de l’histoire – Richard- dès qu’il est en relation avec une partenaire, aucun discours : soit religieux, soit purement idéologique ou relationnel, c’est, d’abord, le coït ou, pire, la fornication qui le hante.

Aucune réflexion sur la foi, sur les implications du jeune dans le sens de ses rapports avec Dieu, ne dépasse son entendement dans le bouquin du Dr Mario Malivert.

Le Dr Malivert se cramponne à un autre discours : le jeune peut-il s’aimer sans réduire l’amour au coït ? Les jeunes gens peuvent-ils s’enrichir à travers l’amour ? Visent-ils à supprimer certaines pratiques sexuelles qui font d’eux des accros ?

Quels jeunes acceptent-ils d’éclater l’amour ? D’aller plus loin que le sexe machine ? Sans faire courir des risques aux parents : le mariage prématuré. L’amour, en ce siècle, a grandi. Le jeune l’est-il ?

L’auteur a voulu tout couvrir. Mais il aurait pu choisir. Certains chapitres, comme 11 et 12, sur Baba n’ajoutent rien de plus à l’histoire. Cependant, il use d’une écriture très dense : « J’habite ma solitude comme on habite une maison qu’on n’aime pas. »

Le roman se déroulait entre 1980 et 1990 ; d’abord sous le régime des Duvivier – des Duvalier. Ensuite, après-Duvalier, par exemple, l’élection ratée du 28 novembre 1987 sous le CNG (Conseil national du gouvernement) présidé par le général Henri Namphy, avec les tueries à la ruelle Vaillant.

Richard et la paternité

L’absence du père dans son quotidien a orienté la vie de Richard. Dès son plus jeune âge, son géniteur évite de passer du temps à la maison familiale. Cela l’a terriblement marqué : « Papa, avant lui, a été absent presque toute notre vie ». Ensuite, cette interrogation du narrateur : « Papa, avait-il des regrets, des regrets de nous avoir laissés derrière, d’avoir raté notre adolescence, d’avoir forcé maman à jouer le rôle de père et de mère à la fois ? », nous a confié le narrateur – son jeune frère.

Les jeunes enregistrent tout ce que les parents n’ont pas bien fait pour eux, et les reprochent pour un détail.

Après le départ du père pour Saint-Martin dans les Antilles, et de là pour les État-Unis, à New York, la maison se fait vide, à ses yeux ; il ne s’y sent pas à son aise. Malgré la présence de maman. Elle, aussi, s’est « réfugiée » aux USA. Pour s’accepter, Richard sort très tôt le matin pour aller à Gamino (une école pour enfants) et rentre tard la nuit...

Le fait d’ignorer son père, Richard se condamne, à son tour, à subir les ordres de Pouchon, son fils : « Lui auparavant qui ne se souciait que de ses cigarettes et de ses escapades à l’hôtel Le National, avec des filles qui parfois payaient pour le bon temps, le voici maintenant en proie aux exigences d’un nourrisson, dont les désirs –ou les cris stridents – sont des ordres. »

Sabine, sa femme -parmi ses conquêtes, « croyait que la paternité ferait grandir Richard, que son mari serait devenu plus apte à prendre sa vie au sérieux, à passer du temps au foyer, et à cesser de courir les rues après les pimbêches(2).» Elle s’est trompée ; Richard n’a pas grandi.

Au lieu de donner l’amour paternel à son premier enfant, il court les rues ou les maisons closes à Carrefour.

Richard et les filles du quartier

À Carrefour-Feuilles, il les couche presque toutes : Solange, aux seins de grenade ; Chantale, de haute taille, un corps superbe, mais des siens lourds et pendants –comme deux calebasses vertes ; Martine, une fille noire, svelte, au sourire éclatant, ravie à son jeune frère David, une réputation de salope, ne pouvant dire non aux hommes, à peine habitée à la rue Jean-Baptiste (Carrefour-Feuilles) ; Andromaque (Sandra), l’amour d’une soirée, lui inspirant le dégoût ; cette protestante : il a utilisé une autre stratégie pour la coucher : se faire donner une leçon de Bible ; elle s’est jetée elle-même dans ses filets ; les protestantes certaines fois, se comportent, comme des salopes, de manière à humilier leurs professions de foi.

Aucune fille ne lui résiste. Ginou : 19 ans, rétiçente au début, s’avouerra vaincue, à Curaçao où il l’avait amenée. Elle a accepté d’être dépucée. Elle n’a pas sali le lit avec du sang, ainsi que Sabine, sa femme. Elle a accouché d’une fille –Gigi.

Richard a emboîté le pas à ses parents pour aller vendre son temps et son sang et nourrir ses deux enfants.

La question de la foi religieuse

C’est l’autre aspect important du roman : la foi religieuse. David, le narrateur, a engagé, dans ses réflexions, un aspect particulier : la foi religieuse des jeunes et la sexualité. Le narrateur –le jeune frère de Richard- a tenté de mener une vie conforme aux principes de Dieu. Mais a-t-il réussi ?

Celui-ci cherche à partager ses ambitions, son désir de se rapprocher de Dieu avec Carmélite, sa compagne. Il a employé une idée qui nous a retenus : « Le choix d’un conjoint est l’un des moments les plus marquants de la vie d’un individu, surtout qu’en tant que chrétien, on se marie pour la vie. » Sans arriver, lui-même, à convaincre sa partenaire, Camélite. Nous les jeunes, nous sommes l’avenir d’Haïti. Prenons en main le destin du pays.

Malivert, Mario Dr, Jeunes gens de mon pays, JEBCA Editions, 2017, 334

Webert Lahens

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Une poésie forte et incantatoire

Le Nouvelliste No 38796 Mercredi 25 juillet 2012

Par Robenson Bernard

Le nouveau recueil de poèmes « La tête chauve des mornes » de Mario Malivert, médecin de formation, forme un paradigme récurrent traduisant le symbole des contradictions sociales de notre temps. Poids des héritages historiques, afflux ou mobilité excessive de la population, l'érosion des terres cultivables due au déboisement est symptomatique de la forme sociale de la cité, c'est-à-dire des rapports de groupes d'habitants entre eux et avec le lieu, avec leur environnement immédiat et les autres espaces urbains. Cela frise l'inespéré, mais le poète, débarrassé de toute intimidation, récite par bribes, une parole d'espoir. La métaphore dès lors devient merveilleusement ouverte sur un réseau de significations pulsionnelles, attendrissantes.

Ce n’est point un hasard si ce cahier de vers s’intitule ''La tête chauve des mornes''. On éprouve un certain plaisir à en découvrir le sens et la portée. L’idée vient d’une blessure, d’une réalité qui décrit et révèle manifestement une structure de notre existence physique. Mario Malivert l’exprime en sensations et en émotions. L’émotion est la preuve de l’âme, tout comme la sensation est la preuve du corps.

L’environnement, fragment de notre vie de peuple, lui a donné un sursaut. Et ce n’est pas le résultat d’un mouvement onirique. Loin s’en faut.

Composé de trois parties : La tête chauve des mornes, Soubresauts et 20 sonnets pour combler l’ennui, le livre procède par accumulation d’évidences. Les mornes trouvent grâce aux yeux du poète. Car ils sont le rempart salutaire de l’espace (sub) urbain. Mario Malivert nomme chaque chose : glissade, grottes, labyrinthe, éclaboussure, éboulement, sinistre, black-out, etc. Il stigmatise les nébuleuses urbaines et voit ce qui saute aux yeux. 

La tête chauve des mornes s’inscrit dans la série de désenchantements ou apocalypses qui jalonnent notre époque et qui laissent leurs traces indélébiles sur la cité confrontée désespérément à un déficit social qui nous invite à exprimer notre refus de nous attacher à nos tranquilles et coupables illusions.

Le fil des vies acides s’étend…

Chute libre sans bas-fond

Destin tout tracé

Dans la boue des villages de carton

De Cité Soleil ou de Darfour (in Cercle vicieux, p. 33)

Mario Malivert, dont l’œuvre se présente tout entière en vers libres, fait ses poèmes aussi bien avec des idées qu’avec des mots, n’en déplaise au principe du dadaïsme selon lequel le sens ne peut préexister au poème, mais il est entraîné par lui, par sa propre logique. Principe par lequel Mallarmé avait volontiers adhéré comme il le disait au peintre Degas.

 

La poésie de Malivert est un langage à part. L’espace poétique est à distinguer fondamentalement de l’espace polémique. Celui-ci supplante celui-là, car il aide mieux à nommer l’innommable et met en évidence la forme sensible des mots, la polyphonie du signifiant par exploitation de la polysémie. Le contexte est là pour servir de support à cette démultiplication du sens. 

D’un poème à l’autre, les vers recouvrent tout comme le sable du désert : chômage, désastre, urbanisme, précarité des vies. Malivert ne sacrifie pas son discours au vernis de la modernité. Fragmentés, ses poèmes voguent dans sa conscience. Il est peu souhaitable pour lui de se soustraire à cet élan sur un mode incantatoire. Les métaphores sont parlantes, les allitérations aussi :

Le fatras nous hante

La fumée danse dans sa robe violette (in Trop-plein, p 24)

 

Ou encore :

Le cafouillage des tap-tap

Sur des rues tordues

Les femmes déambulent

Pommes roulantes

Ecorce fine

Pulpe charnue

Les marchés à tout bout de rue

Amas de sueur et de poussière

La crasse qui s’entasse (in Port-au-Prince, p 36)

C’est évident : le langage est direct, sinon cru en quelque sorte. C’est la trame serrée de l’oralité qui scelle l’écrit schématisé. Mais cette écriture n’est ni transcendance, ni littéralité. Elle est la lettre en première instance de ce qui, du réel, du mouvant et de l’imperturbable, se voit. Epouvantable. Elle est transfert et transport de ceux qui n’écrivent pas pour dire l’essentiel sans bégayer. Pas de ruse dans la perspective de Malivert. C’est, pour tout dire, l’émerveillement de l’abrupt au sens où l’entendait Senghor, parlant de la peinture haïtienne d’un certain courant.

Robenson BERNARD robernard2202@yahoo.fr

Mario Malivert La tête chauve des mornes (poèmes), 102 p Lettres Terres Le chasseur abstrait éditeur, 2012

 

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Mario Malivert : La tête chauve des mornes

Publié le 2015-11-09 | Le Nouvelliste

Par Webert Lahens

Mario Malivert nourrit sa poésie de ‘’Paroles’’ (Jacques Prévert). Après ‘’Vin aigre’’ (1989) et ‘’Arène noire’’ (1982), il fait sortir un nouveau recueil, plus thématique : ‘’La tête chauve des mornes’’. Sa poésie prend souffle dans le quotidien, le réel. Elle étend ses ailes dans un langage simple, direct.Toute la force de sa poésie, c’est qu’elle traverse nos propres sentiments, nos propres sens. Nos sujets de révolte. Ainsi :

 ‘’réveil ou utopie la réponse au présent qui répugne est spirituelle’’ (Réveil ou utopie)

Le poète «sigue» jusqu’au tréfonds des difficultés dans lesquelles se débat le peuple : ‘’les rues défoncées s’étalent comme une grimace’’

Mario Malivert ne retient pas son souffle, il mouche sur nos inepties : ‘’Le pays le chéri qu’on détruit comme des cons / absence d’imagination pour fixer le réel avec des yeux frais / manque de courage pour dire non’’ (La tête chauve des mornes)

Le poète s’attaque, par exemple, à ce groupe d’âge, l’avenir du pays : ‘’ Les jeunes gens de mon pays /porteurs de codes électroniques / justesse des déductions / acuité des inductions / savoir mêlé au vécu / langage enrichi / logique des contradictions / décantation’’ (Jeunes gens de mon pays)

Et, devant tant de dénuement, il se pose une question essentielle : ‘’Que rêve la fourmi sur son lit de sable / attend-elle l’aube pour rejoindre la ligne / le cadre d’un cancrelat à transporter vers l’autre pan de mur / le repas assuré dans la saison sèche / mais trop d’enfants du pays en-dehors s’accrochent au lit / le ventre collé au dos’’ (Énigme)

Ou bien faut-il que nous nous en remettions, comme des épaves, au temps : ‘’Le temps de racheter le temps / de ralentir l’avance de la démence’’ (Sans-emploi)

Le poète invite les lecteurs à la méditation, à la réflexion, à prendre la pause de retenue avec lui.

Ce recueil est divisé en trois (3) parties : 1- La tête chauve des mornes, 2- Soubresauts, 3- 20 sonnets pour combler l’ennui.

Plus de 60 textes à lire.

Le poète plaide ainsi pour une nouvelle vision de l’homme haïtien. Tant sur le plan environnemental que sur le plan humain.

Mario Malivert, La tête chauve des mornes, JEBCA Editions, 2015, 92p.

Webert Lahens

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La prose engagée de Mario Malivert

Publié le 2015-05-27 | Le Nouvelliste

Ses poèmes, ses récits et articles peuplent différents journaux et magazines, dont Le Nouvelliste, The Caribbean Writer, Tanboo, The Cartier Street Review, et Boston Haitian Reporter. Petite rencontre avec Mario Malivert qui sera en signature ces 4 et 5 juin à Livres en folie sous le label de Communication plus, avec sa poésie : La tête chauve des mornes…

Le Nouvelliste : Parlez-nous de ce livre...

Mario Malivert : La tête chauve des mornes serait un constat de l’état de faillite d’Haïti. Le déboisement qu’évoque le titre, dont le résultat est la disparition de la couche productive de la terre et la vulnérabilité aux ravages des intempéries, symbolise cet état de faillite, qui rend le pays incapable de nourrir ses propres enfants. Le déboisement peut aussi être considéré du point de vue des ressources humaines, du fait que des milliers de jeunes gradués et de cadres partent chaque année vers les métropoles du Nord, privant Haïti du capital cérébral et intellectuel nécessaire pour tacler les défis multiples auxquels confronte le pays est confronté. 

L.N : Comment est-elle venue, l’inspiration?

M.M : En 2009, lors d’une visite du côté de Thomazeau, la vue des montagnes dénudées et des champs desséchés m’avait inspiré à écrire la première partie du recueil, intitulé La tête chauve des mornes. Donc, c’est d’abord la tristesse éprouvée devant l’état lamentable du pays qui m’a poussé à écrire ce livre.

L.N : Avez-vous publié d’autres ouvrages? Quel rapprochement peut-on établir entre vos précédents et le dernier?

M.M : Outre ce livre, j’ai trois autres titres : Arène noire (poèmes, 1982), Vin aigre (poèmes, 1989) et De la mort à la vie (poèmes, 2006). La tête chauve des mornes recèle la même ferveur patriotique (ou engagée) d’Arène noire, particulièrement dans la première partie du livre. Les deux autres parties proposent des poèmes nuancés, introspectifs, qui rappellent les poèmes de Vin aigre et de De la mort à la vie.

L.N : Y a-t-il des auteurs qui vous ont particulièrement influencé Malivert?

M.M : Cela dépend des périodes de mon parcours. A mes débuts, les poètes du courant engagé des années 80, dont Christophe Charles, Dominique Batraville, Maguy Lizaire, entre autres, m’ont beaucoup influencé. Plus tard, les influences sont devenues plus variées et beaucoup plus complexes.

L.N : Et quel est le genre que vous préférez?

M.M : Je tends à ne pas m’enfermer dans un genre particulier. Je laisse au poème le soin de déterminer le genre à utiliser.

L.N : Comptez-vous produire d’autres titres?

M.M : Oui, je travaille sur des projets divers. D’ailleurs, je viens de terminer un roman. J’ai aussi une collection de nouvelles en perspectives.

L.N : Quel est votre rapport avec le livre?

M.M : Pour moi écrire est un acte de partage, car à travers mes livres je communique mes plus intimes préoccupations. Qu’une personne prenne le temps de vous lire est l’un des plus précieux cadeaux qu’elle puisse vous offrir. La relation de l’écrivain avec le lecteur, loin d’être une transaction financière, est plutôt une conversation intime qui se renouvelle à chaque séance de lecture. Car ce qui compte n’est pas l’argent que rapporte le livre, mais le lien qui se tisse entre lecteur et écrivain. La question qui me hante n’est pas comment peut-on vendre plus de livres? mais comment peut-on générer plus de lecteurs?

Propos recueillis par Martine Fidèle

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LE MANOIR DES POÈTES

No.15 Été-Automne 2007, p.43 

Continuons notre moisson avec "De la mort à la vie" de Mario Malivert, qui nous vient d'Haïti où il a été publié en 2006. L'auteur retrace en cris déchirants son douloureux passage de l'inconscience à la conscience: des plaisirs temporels superficiels et indispensablement recommencés jusqu'au bonheur ineffable et profond de la relation intemporelle au divin. La découverte de la joie absolue dans la main du Sauveur. Une vue un peu manichéenne entre la "destination néant où "les joies se changent en lassitude/l'extase en ennui" et ce code d'accès "nom de passe: Jésus" où "il a fallu que j'échoue/ que mes châteaux s'écroulent/ pour ramper jusqu'à sa croix"

Voilà l'auteur propulsé dans "la félicité du royaume", avec destination ciel". Un cheminement douloureux comme tous les cheminements vers la pleine conscience et la libération, qui s'épanouit dans l'amour divin accompagné par la compagne élue du cœur. De très beaux textes très bien écrits, encourageants aussi pour ceux qui sont sur ce chemin de croix et cherchent un secours qu'ils portent en eux tout au long.

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Extraits d’une entrevue accordée à Connecticut Haitian Voice

Connecticut Haitian Voice

Volume 1 – Number 8 - February 2007

Page 6

Connecticut Haitian Voice : Pouvez-vous nous dire en tant qu’auteur ou travailleur de la plume d’où vient votre intérêt dans la chose littéraire? De quand datent vos premiers écrits et quelles influences avez-vous subies?

Mario Malivert: J’ai découvert la plume dans mon adolescence, quand je faisais face à des moment de malaise et d’insécurité. La poésie fut pour moi, et l’est encore aujourd’hui, un coin tranquille, un exutoire, où je peux récréer mon monde à moi. J’ai commencé à griffonner des poèmes dans mes cahiers d’écolier, jusqu’à ce que le poète Christophe Charles, mon professeur de littérature haïtienne d’alors, remarqua mon penchant pour l’écriture et publia mon premier recueil de poèmes, Arène Noire, dans les Editions Choucoune, en Haiti.

A travers mes lectures, j’ai savouré les poèmes de divers poètes ; cependant, ayant toujours été à la poursuite de l’originalité, je me suis toujours efforcé à ne pas me laisser directement influencer par un auteur spécifique.

Pouvez-vous retracer pour les lecteurs le cheminement qui a conduit à la sortie de votre livre : quelles ont été vos sources d’inspirations, vos motivations, votre parcours?

Ma poésie a toujours reflété, naturellement, les thèmes dominants de ma vie. Si Arène Noire (1982) brillait par son cachet militant et Vin Aigre (1989) par l’introspection soutenue, de la Mort à la Vie, mon troisième recueil de poèmes, se distingue par sa verve spirituelle. En effet, les trois premiers chapitres retracent, en particulier, mon itinéraire chrétien de la mort spirituelle à la vie spirituelle. J’ai voulu, avec ce recueil, marquer mon retour à l’écriture—après une absence de seize ans—par un témoignage flagrant de la place primordiale de ma foi chrétienne dans tous les aspects de ma vie. Et je compte poursuivre cette quête à explorer et célébrer le côté le plus sublime de l’homme, sa position face à la mouvance de l’Esprit de Dieu, dans mes prochains recueils.

Pouvez vous nous parler des défis associés à la production littéraire dans la diaspora ou peut-être dans l’Etat du Massachusetts où vous résidez? Comptez vous continuer sur cette lancée?

De plus en plus la lecture de la poésie se limite à un cercle restreint. Partout ce fléau ronge et réduit la production littéraire. Publier un livre de poèmes passe davantage comme un besoin personnel de faire entendre sa voix malgré le dédain du gros public. Cependant, le poète motivé qui ne peut retenir l’élan de chanter son cœur trouvera un moyen d’acheminer ses écrits au monde. Je pense aussi que tout poète doit s’engager à organiser des activités sociales autour de la poésie, à encourager les jeunes à redécouvrir la poésie, et à associer la poésie à d’autres formes d’expression et de manifestation culturelle. Dans les années à venir, je compte continuer à apporter ma contribution dans la promotion de la poésie et à maintenir sa place privilégiée dans le monde merveilleux de l’art.

Propos recueillis par Charlot Lucien pour Connecticut Haitian Voice.

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DE LA MORT A LA VIE

PREFACE par Gina Jean-Baptiste

De la Mort à la Vie est une oeuvre remarquable et multidimensionnelle qui retrace deux temps forts du vécu de l'auteur: la mort spirituelle, mort latente de l'ame; et la rencontre avec Jésus, passage à la Vie.

A travers son troisième recueil, Malivert confirme sa passion indéniable des mots et de l'art poétique, comme mode privilégié d'expressions.

De l'instrospection sans merci du poète repentant à sa rencontre salvatrice avec Christ, de sa prose romantique à sa réalité lyrique et patriotique, l'auteur exprime ses émotions avec une telle authenticité et ferveur qu'il est difficile de ne pas etre en empathie avec lui.

C'est un cri déchirant, une voix singulière, au milieu du bourdonnement complaisant et de la clameur auto-suffisante des uns et des autres. A visage découvert, de manière lucide et pénétrante, l'auteur emmène ses lecteurs sur les rives sombres d'un cœur en quête de signifiance, engagé dans la "vaine poursuite de plaisirs éphémères".

De la Mort à la Vie est un témoignage poignant. L'auteur offre à ses lecteurs une confession publique et unique dans laquelle il exprime de manière remarquable et émouvante son passage spirituel de la mort à la vie quand il fait la rencontre extraordinaire et inouïe de "Jésus de Nazareth".

Dans "Passage", l'auteur retrace cet instant inoubliable, cette prise de conscience, ce passage obligé du pécheur désespéré, laissant après lui un monde de chimères pour se retourner dans un balbutiement vers la Source d'eau vive, le Libérateur, la Lumière, Jésus, et rêver désormais d'amour et d'éternité.

C'est un voyage introspectif qui révèle de manière indéniable la dimension spirituelle de l'auteur qui expose ses faillites et ses chutes à la puissance rédemptrice de son Sauveur.

Jésus est mon oasis

L'ombre à l'abri du soleil

L'épaule ou repose ma tète

La main qui m'attrape

Aux pans de la falaise

Extraits de Consolation

De la Mort à la Vie symbolise le triomphe éclatant de l'Amour qui régénère, qui renouvelle, et qui libère.

Gina Jean-Baptiste

Critique Littéraire/Rédactrice

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Vin Aigre, poème

Par Rodney St. Eloi 

Le Nouvelliste No. 33496

Samedi 1er et Dimanche 2 Avril 1989

Supplément Culturel du Nouvelliste No. 9

Enfin on ne résiste pas à l'appel de la poésie. Elle vient d'elle-même pleine de son mystère et rejaillit à grands flots. Mario Malivert vient de publier son deuxième recueil de poèmes: VIN AIGRE. Il a déjà publié aux Éditions Choucoune, ARÈNE NOIRE [Poèmes, mai 1982].

VIN AIGRE



"Sur une planète inhabitée un chandelier reste allumé". De quelle planète inhabitée nous parle le poète, on ne sait! De quel chandelier, on ne sait! Sur cette planète habitée de mots, un poète tente d'allumer un chandelier. Qu'il brille enfin—quête d'espace—refus de la ponctuation, une parole à grands jets—ce qui place en fait d'emblée Mario Malivert sur la route de la modernité poétique.

"Le gris se fait plus gris" et "le soleil pleure comme une vieille sorcière". [La] descente s'opère naturellement—cette poésie n'a pas pour cadre les campagnes fleuries. Le printemps avec ses notes d'hirondelles sinon des zones sombres où l'ombre, la démarche poétique aidant, se fait éclairs, le refus du verbe et la construction est soumise aux caprices de l'auteur, à la sensation première.

Voila ce qui est fascinant dans ce recueil, malgré le manque de fraicheur, on ne peut réduire cette communication. Elle s'offre dans sa totalité sans pouvoir entrer dans les schémas traditionnels et crier, interpréter, dire qu'il parle d'Amour—de Politique—voilà le message etc. La médiation gardée, le dire contenu, le langage part de lui-même et s'arrête de son gré. Une sensibilité, un naturel, un vécu, tout semble assiégé entre les lignes et parle d'un paysage fondu dans la grisaille coutumière. Le gris du soir est animé—les pleurs de soleil sont illuminés—une valeur incantatoire, un risque sans mesure dans "le fini [des] rêves". L'image nous est venue dans sa splendeur avec l'émotion de l'instant. Mario Malivert est un poète, un de ceux qui encore croit dans l'éclat saisissant de la prise de parole.

Rodney St. Eloi

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Les livres: Vin Aigre de Mario Malivert

L'Union - Mercredi 19 Avril 1989 page 8

Joubert Satyre

Les Editions Choucoune nous ont envoyé la semaine dernière la toute nouvelle publication de Mario Malivert; un recueil de quatre-vingt-six pages intitulé: Vin Aigre. Déjà le titre porte cette ambigüité (polysémie) sémantique propre a tout texte poétique: Vin Aigre c'est à la fois du vinaigre et du Vin Aigre. Une sorte de calembour, de jeu de mots qui renvoie à la fonction lucide et esthétique du langage, c'est-à-dire la survalorisation de l'aspect formel du langage (au point de vue graphique et sonore) par rapport à son contenu (l'aspect sémantique). La publicité que certains considèrent comme le huitième art, joue beaucoup sur cette fonction du langage.

La couverture du recueil porte un réveil, un pan de ciel nocturne, un verre de vin (aigre), une partition et une tête d'homme vue de profil. Il est très difficile de trouver une certaine cohérence entre ces éléments disparates, et nous laissons aux sémioticiens la tache de les décoder et de trouver leurs logique interne, c'est-à-dire le lien symbolique qui les unit. Toutefois le vin renvoie à la poésie (l'ivresse est un état éminemment poétique); la musique aussi (elle est la sœur puinée de la poésie dit Ronsard), le ciel étoilé renvoie à un ailleurs, à un au-delà visible mais inaccessible, comme la poésie qu'aucune lecture ne peut vider de sa substance, ni en épuiser le contenu?

Ouvrons le recueil: "Vin Aigre" est la première section du recueil (qui en compte cinq) 

Sur les nuages un sourire

en sanglots tant d'amours englouties

des étoiles mourant sous un flou de brouillard

des lilas pendus sur un balcon

pour passer un mois d’août sans passion

(P. 9) 

Ce poème qui sert d'ouverture au recueil lui donne son ton: une élégie feutrée, comme une sourdine dans une langue poétique portant tous les traits de la modernité littéraire. Les thèmes de Vin Aigre appartiennent à la littérature universelle; rappelons le fameux: "Tout est déjà dit" de la Bruyère.

Donc le mérite du poète (s'il en a) n'est pas dans le choix des sujets, c'est-a-dire dans les thèmes, mais dans la manière dont il a orchestre ces thèmes. Les poéticiens modernes diraient que l'originalité se situe au niveau d'expression. En effet les poèmes de Vin Aigre semblent sortir des sentiers battus (il est vrai que l'absence de ponctuation renvoie désormais à une sorte de banalité: un signe de démarcation entre la poésie "classique" et la poésie "moderne"). Mario Malivert a su créer une langue neuve pleine d'images éclatantes en dépit de certains clichés dont il n'a pu se débarrasser.

Vois les missels laissés sur les parapets

les frocs oubliés sur les bancs de parc

les beautés écrasées par les chars

ferme à l'instance des faces voilées

tes yeux à la pupille fragile

égarée à l'éblouissement des décors

des Westerns montés en love stories

ne vas-tu pas laisser tes yeux

à la remorque des scènes trompeuses

(P. 60)

Voilà ce qui est neuf et original. Lisons son poème intitulé "Autobiographie": une sorte de confession pleine d'onirisme, où le choc des images fait surgir un monde irréel:

 

Moi apocalypse temple aux abois

Chantre des tournoiements de l'espace

Gris-gris perdu oiseau nocturne

Noctambule

L'âme jouant à cache-cache

Avec les feux follets de l'espoir

Énigme brin de connivence

Lyre sans vie

Arcane

Temple ferme

Exutoire des matins dédorés

Chantre des vies sans vie

(P. 68)

Mario Malivert est bien "le chantre des vies sans vie". Un poète qui compatit aux souffrances des autres, les démunis de la vie, fils de la gêne et du désespoir.

L'amour chez Mario Malivert est dit en termes mesurés, discrets où l'allusion est la forme indirecte, métaphorique de la pudeur.

Comme tout poète Mario Malivert chante l'espoir. Le présent est insupportable; mais nous ne devons jamais céder au découragement: l'avenir sera meilleur:

Enrayer les réminiscences-souffrances

combler les arènes oublier la Camargue

nous sommes entre les spasmes des transes

l'auréole coiffe notre présent

levons la tête à l'ébloui des soleils

ouvrons nos pores dans la fraicheur du jour

notre futur sera merveilleux

garni de roses vermeilles

(P. 32)

On peut constater dans ces courtes citations que Mario Malivert emploie le plus souvent des phrases nominales ou des phrases avec des infinitifs: un procédé qui renvoie peut-être à un certain absolu, à tout ce que le langage ne peut exprimer que de manière imparfaite.

Nous ne dirons pas que Mario Malivert a la figure d'un grand poète, mais au moins il en a le profil. Et c'est à tout son honneur, vu la médiocrité des œuvres de "la plupart des jeunes de la 'nouvelle génération'".

La langue de Mario Malivert étonne et peut faire regimber le lecteur amateur de textes faciles, car "Vin Aigre" n'est pas trop potable et certains lui reprocheront un brin d'hermétisme. Mais le lecteur averti lira avec profit les poèmes de ce recueil, car il n'a qu'a comparer "Vin Aigre" à d'autres publications pour voir que Mario Malivert surclasse de nombreux jeunes poètes.

Vin Aigre, Éditions des Antilles S.A. Mars 1989.

Joubert Satyre

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ARENE NOIRE DE MARIO MALIVERT

Présentation et choix de textes par Christophe Charles

Né le 13 Avril 1963, le jeune poète vient tout juste de boucler sa vingtième année. Après des études primaires à l'Ecole Frère Polycarpe, il est entré au Collège St-Pierre. C'est là que je l'ai rencontré et que son goût, ses dons pour la matière littéraire me l'ont fait remarquer.

"J'ai commencé à écrire des vers à l'âge de treize ans, confie-t-il; je faisais alors la sixième. Je compte devenir poète, romancier et aussi artiste-peintre". Noble ambition! Malivert a déjà publié plusieurs articles critiques dans les colonnes du Nouvelliste et du Nouveau-Monde.

"La poésie, pour moi, est un tout, continue-t-il; chaque poète y apporte un aspect particulier. La poésie est également pour moi une arme offensive contre les douleurs et les détresses de l'humanité." Excellent! Mais ne disons pas de Malivert qu'il est un poète engagé; le terme d'engagement est trop galvaudé depuis quelque temps. A la lecture de ses poèmes, on verra seulement que le jeune poète est très conscient de sa mission sociale et qu'il se veut humain.

On est très loin d'une poésie à l'eau de rose et des roucoulements traditionnels chez les jeunes de cet âge. Sa poésie est amère, violente, électrique. Sa poésie n'est que complaintes. Gonflées de revendication et de rêve. C'est un enfant du peuple aux yeux pleins de colère et à la bouche pleine de cris.

L'accent est mis sur les problèmes des braceros, des boat-people, des clochards, des portefaix, des éreintés, des sans-mamans, des crêve-la-faim des corridors des bidonvilles:

"Dans les carrefours des bidonvilles

peuplés de clochards et de portefaix

allez les regarder qui déchirent à belles dents

le caoutchouc de la semelle de leurs sapates

le caoutchouc a un goût de pain, n'est-ce-pas?"

(Crachats)

Le jeune poète atteint parfois une intensité presque insoutenable dans l'invective, l'imprécation, le réalisme merveilleux:

"On a faim, l'eau de la marmite sur le feu

chante l'hymne national des affamés …

Et s'échappe un gaz, le gaz de la faim

Qui s'échappe en chantant de leur ventre

La chanson de la faim"

(La Chanson de la Faim) 

Voilà une poésie humaine, émouvante, d'une violente sincérité, d'une sincérité agressive. On sent que Malivert vit ce qu'il dit, il souffre ce qu'il crie. Ce n'est pas du narcissisme et de la masturbation pseudo-poétique. C'est une poésie vivante et virile.

"Est véritablement poète, disait Joachim du Bellay, celui qui me fera indigner, apaiser, réjouir, aimer, lamenter, admirer, étonner, bref, celui qui tiendra la bride de mes sentiments, me tournant ça et là à son plaisir". A cet égard, je tiens Mario Malivert pour un poète véritable.

Certes, il n'est pas encore parvenu à une maîtrise totale de la forme, mais c'est sûr qu'il a quelque chose à nous dire et qu'il sait déjà nous étonner et nous faire indigner. Je ne peux donc que lui souhaiter de poursuivre sa trajectoire et de devenir ce qu'il est. 

Christophe Charles

Conjonction Revue Franco-Haïtienne, Numéro 160 – Janvier 1984, pp. 87-91.


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