https://lenouvelliste.com/article/220480/quand-legs-et-litterature-braque-ses-projecteurs-sur-la-critique-litteraire
La critique littéraire joue un rôle important dans la chaîne du livre. Elle attire l’attention sur le livre, même quand elle est négative, et peut inciter le public à s’en procurer. Elle intervient comme un outil de triage, de guide pour le lecteur potentiel d’un livre. Le critique, lui, est le lecteur des lecteurs, celui qui peut le mieux déceler ce que dit le livre et partager ses impressions avec le commun des mortels. Il est en quelque sorte un médium, un décodeur qui peut faciliter la transmission du message de l’auteur au public. A vrai dire, tout auteur prend le temps de consigner ses pensées dans un livre parce qu’il a un message dont lui seul est porteur, et qu’il doit non seulement exprimer mais aussi partager avec les autres. Et le critique reçoit le premier ce message et, comme un éclaireur, l’expose au monde. Cependant, malgré l’importance de la critique littéraire, académique ou journalistique, elle est reléguée au second plan, du moins en Haïti. Heureusement, le No 10 de Legs et Littérature, publié en juillet 2017, braque ses projecteur sur cette discipline ô combien nécessaire à la santé du livre en Haïti.
La critique littéraire existe bel et bien en Haïti, même quand, selon Nadève Ménard dans l’article Critique littéraire en Haïti : Enjeux, difficultés et nécessités, « [p]lusieurs critiques et journalistes dans des articles, des conférences questionnent ou mettent en doute [son] existence… » (p. 181). En réalité, c’est une discipline qui souffre, comme tant d’autres secteurs culturels, de divers maux.
Nombre restreint de critiques amateurs ou professionnels :
Les journaux et
autres publications accordent peu d’importance aux critiques et rechignent à
les rémunérer. « Il faudrait que les journaux et autres publications
fassent appel à des critiques ou au moins à des gens ayant une connaissance de
base de la littérature quand il s’agit de produire des notes de lecture, par
exemple. » (p. 185), conseille Nadève Ménard. Les critiques potentiels
sont plutôt encouragés à s’adonner au journalisme culturel, à couvrir des
événements et activités artistiques. Yanick Lahens parle de méfiance : « Je
pense qu’il y a toujours eu de la part de certains auteurs comme de certains
écrivains une méfiance vis-à-vis des critiques littéraires. » (p. 207). Cette
méfiance décourage-t-elle certains auteurs à s’engager dans la critique littéraire ?
Nombre limité de journaux, revues littéraires et autres
publications
La production
d’articles de critique littéraire est anémique en Haïti parce qu’il n’existe
qu’un nombre limité d’espaces de publication. Pour la critique universitaire, à
part Legs et Littérature qui maintient une régularité certaine, d’autres revues
ne fonctionnent que de façon sporadique. « On a toujours eu des revues
littéraires, mais leur durée de vie n’est pas longue » (p. 194), constate
Nadève Ménard. Pour la critique journalistique, seuls Le Nouvelliste et Le
National, dans une certaine mesure, offrent des opportunités de publication de
façon consistante.
Manque de rigueur de la critique littéraire
Selon Darline Alexis,
« la critique journalistique est dans l’ensemble affaire de dilettantes
chez nous.», donc souffrant d’un déficit d’intransigeance professionnelle. Elle
se démarque le plus souvent des recensions négatives. « Il n’est même plus
prudent aujourd’hui de se prononcer sur une œuvre qui ne vous aura pas plu, le
risque d’être pris à parti par un auteur mécontent est réel. » (p. 194),
ajoute en ce sens Darline Alexis. Ce qui produit une critique superficielle et
dépourvue de sincérité, donc « une critique peu rigoureuse qui n’a d’autre
but que de flatter. » (p. 193), écrit Nadève Ménard. Il importe que le
critique approche son travail avec sérieux et probité intellectuelle, ce qui
garantit une crédibilité certaine qu’il doit maintenir et cultiver dans toutes
ses publications. Un style mesuré, des opinions justifiées par des
illustrations, peut rendre digestibles et surtout utiles à l’auteur même les
critiques négatives, et surtout rehausse la qualité de la critique littéraire
en Haïti.
L’expression
« la critique est aisée, mais l’art est difficile » est loin d’être
vraie dans le cas de la pratique de la critique littéraire. En fait, il vous
faut consacrer des heures à la lecture et à la recherche, et surtout du courage
à exprimer clairement vos impressions.
« C’est très
encourageant de constater ces derniers temps que l’on trouve dans les journaux
des notes de lecture, des entretiens, des analyses marquant la sortie de textes
haïtiens par nos auteurs consacrés et parfois par les auteurs haïtiens les moins
connus aussi. » (p. 188), souligne Nadève Ménard. Avec un regain de
probité chez les critiques, la disponibilité de beaucoup plus d’espaces
d’échanges, de publications et de correction de texte, comme le souligne Yanick
Lahens, « La critique littéraire [en Haïti] devra trouver sa juste place
dans ce paysage qui se dessine. »
Mario Malivert
mariomalivert@yahoo.com
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