L’amour au temps du communisme

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Dès les premiers poèmes du recueil, Ricarson Dorcé convoque l’amour dans le cadre de l’un des dogmes fondamentaux du communisme, la mise en commun des biens : « Ton corps ne t’appartient plus. / Mon corps ne m’appartient plus. / Le corps devient une propriété collective. » (p. 6) ou « Le bout de tes lèvres est un bien commun. » (p. 8). Il s'agit ici  d'une tentative d’allier amour et communisme, mais avec un élan de libertinage : « Je désire toutes les femmes que je rencontre » (p. 9).


Dans ce recueil, Ricarson Dorcé rejoint Paul Éluard, Louis Aragon, Pablo Neruda, Jacques Roumain, etc. dans le cercle des poètes communistes. Il vivifie ce courant si imposant au XXe siècle, mais qui a perdu un peu de son attrait au siècle présent. Tout comme ses illustres prédécesseurs, le poète parle de cause sociale, de l’athéisme : « Le communiste a la haine des dieux hypocrites » ou « Je déteste les dieux », de prolétariat : « un sourire prolétarien », de « la guerre contre les injustices sociales », « de l’utopie émancipatrice », « des multinationales gourmandes »,  du capitalisme : « Le capitalisme est trop sauvage », de l’impérialisme, de la liberté, de la faim : « La faim est un crime contre l’humanité », et de la propriété privée : « Tout propriétaire est un assassin », etc.

Le poète s’inscrit contre l’appât du gain, le profit à tout prix, les guerres motivées par l’argent. « Les requins-tigres sont insatiables », clame-t-il pour parler des va-t-en-guerre. Il exhorte les marginalisés à ne pas pardonner « aux guerres coloniales et autres calamités ! », qui d’ailleurs le rendent malade : « je suis malade de toutes ces guerres / que le monde a connues. / Main basse sur les richesses / d’une planète réduite à l’indifférence. » Il invective les multinationales : « La terre n’appartient pas à ces multinationales gourmandes. / La terre nous appartient. » (p. 20).

C’est d’un style direct, simple, et même prosaïque, que Ricardon Dorcé expose sa vision du communisme. Le message prime sur la forme. Même les évocations amoureuses ou érotiques semblent servir de prétexte pour exprimer son credo. Souvent, les thèmes sont simplement évoqués, et le poème s’essouffle par manque d’élaboration. Néanmoins, la poésie de Dorcé ne manque pas de charme. Il nous surprend souvent avec des calembours et des figures de style (parallélisme et symploque) : 

« Les fous sont parfois heureux / les heureux sont parfois fous » (p. 26)

« Tes lèvres mangent mes lèvres / Mes lèvres mangent tes lèvres » (p. 28)

« La nuit est admirable dans un silence admirable » (p. 30)

« Le paradis est dans mon corps / Dans ton corps / L’enfer est dans mon corps / Dans ton corps » (p. 42)

« L’amour est comme le temps. / Le temps est comme l’amour / L’amour du temps / Le temps de l’amour » (p. 45).

« Journal d’un communiste amoureux » (Ed. Jebca, 2017).

Mario Malivert

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