"Haïti, Petro-Caribe et ses déraisons" de Wilson Laleau

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Publié en novembre 2019, « Haïti, Petro-Caribe et ses déraisons » se compte parmi les nouveautés de Livres en folie 2020. La pandémie de la Covid-19, dévorante de l’actualité, et ceci à l’échelle mondiale, éclipse un tant soit peu ce livre qui, six mois auparavant, occuperait le haut du pavé. Néanmoins le lecteur friand de politique haïtienne fera bien de se procurer de ce livre bourré de données, non seulement sur le fonds PetroCaribe, mais aussi sur l’administration publique, particulièrement en ce qui a trait aux mécanismes de contrôle des dépenses publiques et de financement de projets. Son auteur, Wilson Laleau, ancien titulaire du ministère de l’Économie et des Finances (MEF) et du ministère du Commerce et de l’Industrie (MCI), se donne à cœur joie dans la présentation de ses points de vue sur son rôle et ses responsabilités dans l’utilisation du fonds PetroCaribe et sur la gouvernance économique du pays.


Après le premier chapitre du livre, où il expose les calomnies dont il a été l’objet dans la presse et sur les réseaux sociaux par rapport à sa prétendue implication dans la lapidation du fonds PetroCaribe, Wilson Laleau adresse tout de go la raison d’être de son livre, dès le deuxième chapitre, dont le titre « La vérité sur PetroCaribe » tombe à brûle-pourpoint. 

« Petro-Caribe, c’est quoi ? » 

En 2007, le Venezuela signe avec quelques pays de la Caraïbe, dont Haïti, « un traité de sécurité énergétique » selon lequel il leur donne accès à des « facilités de paiement pour les produits pétroliers », leur permettant de générer un fonds d’investissement appelé fonds PetroCaribe, dont le but est d’ « engager [des] projets d’envergure qui auraient catalysé les investissements privés et servi de base à la relance durable de l’économie » (p. 69).C’est à juste titre que « des citoyens se demandent où sont les métros, les aéroports, les ports, les grands centres industriels, les universités, les grandes zones d’exploitation agricole, les barrages hydroélectriques et d’irrigation, etc. développés dans le pays grâce à ‘cette manne’» (p. 66).

Mis en cause de l’auteur dans la dilapidation du Fonds PetroCaribe

« Le circuit d’une dépense exécutée dans le cadre des résolutions Petro-Caribe n’implique pas moins de quinze étapes. » (p. 36), allant de l’appel d’offres jusqu’au décaissement, et impliquant plusieurs ministères, dont le MEF et le ministère de la Planification et de la Coopération externe (MPCE), et des organismes de contrôel, dont la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSCCA). Le grand argentier « ne gère pas directement des projets. Il n’a pas d’interaction dans le recrutement des firmes ou dans l’établissement des contrats » (p.40). Néanmoins M. Laleau, en sa qualité de titulaire du MEF, a été mis en cause par le CSCCA, dans son premier rapport, pour quatre types d’écart, qu’il rejette de façon véhémente à grand coup d’arguments.

Au-delà des accusations et des manipulations de l’information

Non seulement M. Laleau a démontré magistralement son innocence dans l’utilisation déplorable du fonds PetroCaribe, il a aussi exprimé ses impressions personnelles sur ces fonds qui auraient pu mettre Haïti sur les rails du développement. En voici quelques-unes :

« …on peut dire que ces ressources ont servi davantage comme variable d’ajustement politique que comme instrument de financement du développement. Leur principale fonction a été de garantir la stabilité de la ‘majorité présidentielle’. » (p. 69). 

« La liste impressionnante des projets (409) permet de douter que ces ressources exceptionnelles provenant de PetroCaribe ont été utilisés de manière optimale et suivant un plan stratégique défini. » (p. 65).

« La pression des circonstances et la préférence pour le court terme n’ont pas permis d’utiliser ces ressources comme levier pour établir des mécanismes financiers à la hauteur des défis que nous avions à relever. » (p. 66).

Le parcours de l’auteur dans l’administration publique

La deuxième partie du livre enseigne sur « le métier » et surtout « la mission » d’un ministre en Haïti. L’auteur y retrace son parcours dans le MEF et le MCI, en s’attardant sur les projets de loi de budget, les rapports, les études… qu’il a entrepris et réalisés dans l’exercice de ses fonctions de ministre, pour renforcer les structures de fonctionnement et la performance de ces deux ministères.

Dans « Haïti, Petro-Caribe et ses déraisons », l’auteur s’est évertué en grande partie à ne pas se verser dans la polémique et les contre-accusations. En tant qu’ancien professeur d’université, son livre accuse une approche plus didactique que politique, surtout dans la deuxième partie. C’est un ancien ministre qui se soucie de son legs. Écrit d’un style fluide et direct, le livre se lit facilement, et servira de référence, dans les mois ou années à venir, pendant le procès PetroCaribe qui sera tenu à coup sûr, per fas et nefas.

Wilson Laleau, « Haïti, Petro-Caribe et ses déraisons » (2019), 249 pages.

Mario Malivert

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