Littérature et politique, un glissement nécessaire


Le no 14 (Vol. I) de la revue littéraire Legs et Littérature aborde le thème Littérature et politique. Cette revue semestrielle dirigée par Dieulermesson Petit Frère, et qui a pour rédactrice en chef Mirline Pierre, a eu son premier numéro en janvier 2013. Ce présent numéro de 319 pages, dirigé par Claudy Delné, PhD, bénéficie de l’apport de vingt-sept rédacteurs et contributeurs, et « se veut une enquête critique visant à explorer, à partir d’une variété de perspectives méthodologiques et de préoccupations formelles, cette dialectique ambitieuse du discours littéraire et des différents modes d’inscription du fait politique. » (page 14). 
D’entrée de jeu, dans l’éditorial, M. Delné annonce la couleur en visitant la réaction controversée de Dany Laferrière face au scandale du blackface du Premier ministre canadien Justin Trudeau, suite à la publication le 18 septembre 2019 par le magazine américain Times d’une photo du Premier ministre déguisé en Aladin, prise il y a presque vingt ans. M. Delné souligne que l’immortel « a raté une occasion en or de mettre la littérature au service du politique » (page 6).
Treize textes composent la première partie de la revue, qui en compte quatre, chacun abordant un sujet où la littérature chevauche la politique, vice versa. Mohammed Ajbilou parle, dans le premier, de l’intellectuel engagé, en se demandant quelle forme d’activisme qu’aurait pu adopter Jean Paul Sartre au XXIe siècle. Dans le deuxième, à partir des romans Le regard du roi de Camara Laye et Le camp des saints de Jean Raspail, Claudy Delné expose l’utilisation du concept de race par les Blancs pour « rationaliser l’asservissement des autres peuples. » (Page 39). Dans le troisième, Pascaline Zang Ndong parle de l’homosexualité et du pouvoir à travers quelques romans de la Nouvelle génération d’écrivains africains qui embrassent « une littérature irrévérencieuse, ou mieux, subversive tant sur la forme que sur les thèmes abordés, qui jadis étaient tabous. » (Page 71).
Les autres textes de la première partie abordent des thèmes qui se révèlent aussi percutants que ceux susmentionnés. Que ce soient, entre autres, le « legs idéologique des mémoires du général Toussaint Louverture […] dans l’histoire littéraire africaine » (Page 89) ou l’apport d’auteurs féministes africains « contre toute pratique sexo-discriminatoire qui amplifie la réification sexuelle des femmes » (page 111), ou encore l’exploration de « nouvelles formes de sexualité dans les sociétés et leur lien avec l’émigration » (page 145) dans le roman Un ailleurs à soi d’Émmelie Prophète. 
Six autres textes complètent la première partie. Est à souligner l’analyse stylistique de Konan Luc Stéphane Brou du recueil de poèmes Morsure d’Eburnie par Henri N’Koumo qui « se fait poète, historien et militant lorsqu’il poétise la crise militaro-politique vécue par son pays, la Côte d’Ivoire, depuis l’an 1999. » (P.165). Louis Bertin Amougou, lui, parle de deux pôles du champ littéraire africain : les partisans de l’engagement politique, d’un côté, et ceux de « l’écriture », de l’autre. Enfin, Melissa Quirino Scanhola décrit comment l’écrivain algérien Kateb Yacine a pu surmonter son « ‘exil intérieur’ engendré par l’alphabétisation dans la langue colonisatrice [la langue française] et les ruptures avec ses compatriotes. » (P. 241).
La deuxième partie de la revue présente un entretien d’Alma Abou Faker avec David Le Breton, adressant les procédés de répression corporelle des pouvoirs ou des autorités carcérales dans le roman arabe contemporain. Deux comptes rendus de lecture forment la troisième partie : Sade et ses femmes, par Marie Desvignes, et Souffles d’outre-cœur par Koukouvi Dzifa Galley. Et la quatrième présente un récit de Sybille Claude, Moi Fatou, femme coupée, et un poème d’Indran Amirthanayagam, Le mariage global.
Mario Malivert

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire