France Medeley Guillou : Errance Boulevard

Publié dans le Nouvelliste du 10 septembre 2019




La production littéraire en Haïti est dominée par la poésie et le roman. La pièce de théâtre vient souvent en second plan. Ces dernières années, Guy Régis Jr. et Faubert Bolivar ont su garder la publication du genre dramatique active et pertinente. En 2018, France Medeley Guillou apporte sa contribution au théâtre haïtien avec la sortie d’Errance Boulevard.

Errance Boulevard est une pièce en neuf scènes, dont les acteurs (Errant, Errant II, L’homme perdu, L’homme décombre, Agent, Agent II) évoquent les aléas de l’errance et de la migration. La scène I montre l’interrogation de l’Errant par l’Agent avant l’admission du premier dans le pays d’accueil, « cette terre » qu’ils ont « su faire un paradis ». L’Errant est-il qualifié ? A-t-il la tête d’un voyageur ? Il invoque « Le droit du visiteur. Du travailleur. » et prône :
« Une bonté d’âme,
Une compréhension de l’autre,
Une écoute,
Une générosité. » (Page 29)

Mais, au contraire, il se rend compte que « l’humain fait peur à l’humain. » et que « L’humanité a perdu de son hospitalité. » (Page 31).

Dans les scènes II et III, Errant et L’homme perdu parlent de déracinement et de déconnexion avec les siens. Ils ont quitté maison et famille, pour se retrouver loin d’elles, sans ancrage, errant ça et là, sans leur propre voix. Dans la scène IV, L’homme décombre corrige Errant qui parle d’idée et de nous, donc d’identité : « Vous n’êtes pas chez vous ici...Vous n’avez pas pu construire chez vous. Eux ils l’ont fait, on se tait. On se courbe. Chez vous c’est la malédiction. On se tait. » (Page 62).

L’auteure a su camper des personnages intéressants dans leur prise de position. Le dire oscille entre l’ironie et le sarcasme, dans une langue aux élans poétiques à plusieurs endroits. Les scènes du milieu (III à VII) sont les plus percutantes ; alors que les dernières scènes (VIII et IX), celles du dénouement, manquent de punch et laissent le lecteur/spectateur sur sa soif.

France Medeley Guillou parle de migration, du droit de chacun à quitter son patelin pour aller vivre ailleurs, du déracinement qui en résulte, et du mépris et rejet des migrants par le pays d’accueil. Avec le mouvement de migration massive des peuples des pays du sud vers ceux du nord, Errance Boulevard est d’actualité et mérite une place dans le concert des ouvrages récents de la migration.

Mario Malivert
mariomalivert@yahoo.com

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