Maurice Cadet, pince-sans-rire


Publié dans Le Nouvelliste du 2 avril 2019


Dans son roman de 236 pages publié par les Editions Pulùcia, Maurice Cadet nous invite à visiter Jacmel des années 40, au temps du Président Elie Lescot. L’auteur dédie les vingt-trois premières pages de Requiem pour une soutane princière à sa ville natale, dans toutes ses facettes, de quartier en quartier, de la masse prolétarienne à la bourgeoisie, du bas de la ville au Bel-Air. Il pause un instant sur l’église de Jacmel et le presbytère, pour décrire les fidèles comme un défilé de figures insolites, telles que « Hyppolite-pied-piano, qui claudiquait en faisant un bras d’honneur aux Saints Patrons. Alteyan-Ingrat qui boudait Saint-Joseph et Caca-sous-lande qui méprisait Saint Antoine de Pardoue. » ou « Talon-kikit la boiteuse qui marchait sur la pointe des pieds ; Philippe-en-debandade, le retardé mental. » Ce premier chapitre, bondé de personnages les uns plus loufoques que les autres, met en exergue non seulement la ville, mais aussi le Curé Bénac, un prêtre breton, l’un des protagonistes centraux du livre.

Au second chapitre, l’auteur introduit l’autre protagoniste principal du roman, Désira, un blanc-bec de vingt-deux ans, avec double occupation : « porte-croix » à l’église et « apprenti-ébéniste chez Boss Freyel, le spécialiste des cercueils ». Désira n’était selon ses dires « ni croyant ni athée ». Malgré son air abruti, Désira pique un amour fou pour Palmalove, une prostituée. Dans ce chapitre, l’auteur initie aussi de longues pages bourrées de détails sur le fameux carnaval de Jacmel.

Plus tard un personnage récurrent, Samba-poète, surgit de temps à autre pour raconter des histoires. Il présente en particulier les faits qui vont enfin constituer une trame romanesque : un vol d’objets sacrés se produit dans l’église, et le Curé Bénac oriente les soupçons sur Désira. Désira est arrêté et mis en garde à vue dans la prison de Jacmel. L’auteur consacre les chapitres restants du roman sur le dénouement de l’enquête de Couilleux, un caporal haut en couleurs.

Requiem pour une soutane princière, de par son trop plein de personnages, d’anecdotes, et de faits divers, se lit comme une lodyans. Le ton baroque et ludique sied bien aux personnages en proie aux situations et agissements les uns plus saugrenus que les autres. C’est comme une série de bouffonnerie qui n’en finit pas, jusqu’à l’arrestation de Désira, et même après dans une moindre mesure. Les protagonistes n’inspirent aucune admiration, tant ils sont englués dans un filet de manèges et de basses besognes.

Cependant, le style de l’auteur, avec ses envolées poétiques, et son souci des détails, charme et retient l’attention. Il suffit qu’il restreigne sa volubilité pour que ses futurs romans brillent de mille feux.

Mario Malivert
mariomalivert@yahoo.com

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