Faut-il célébrer la francophonie ?


Publié dans Le Nouvelliste



Mercredi 20 mars 2019 est la journée internationale de la francophonie. Cette date sert d’ancrage à la semaine et à la quinzaine de la francophonie. Le site de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) informe que le slogan choisi cette année pour célébrer cette journée est « En français... s’il vous plait; -) ». Le site précise que le français est une langue mondiale « avec 300 millions de locuteurs repartis dans 106 pays et territoires » et « la deuxième langue enseignée sur la planète ». A travers le monde, les instituts français et alliances françaises organisent diverses activités pour célébrer la journée, semaine, ou quinzaine de la francophonie. En Haïti, l’une des activités mises sur pied par l’Institut Français en Haïti (IFH) pour célébrer la Quinzaine de la Francophonie est le quatrième concours national de chanson francophone. La finale de ce concours se tiendra le jeudi 21 mars au local de l’IFH.

En Haïti, depuis l’indépendance en 1804 et jusqu’en 1987, le français a été la langue officielle de facto du pays. Les documents et discours officiels étaient rédigés principalement en français, et l’éducation de la maternelle à l’université se faisait exclusivement en français. Avec la Constitution de 1987, consacrant le créole et le français langues officielles du pays, on ne peut plus parler de francophonie sans évoquer la créolophonie. Ce bilinguisme est cependant loin d’être équitable, à cause de l’absence d’une politique étatique de renforcement de l’utilisation du créole, notamment dans le système éducatif haïtien. En ce sens, le linguiste Robert Berrouët-Oriol écrit que « trente ans après l’adoption de la Constitution de 1987, [l’État haïtien] n’a toujours pas formulé ni adopté sa première politique nationale d’aménagement des deux langues officielles du pays ainsi que des règlements d’application de cette politique. »

Ce “déficit de vision linguistique et de leadership étatique », obstruant le plein essor du créole, génère dans certains milieux académiques et artistiques un sentiment de malaise vis a vis du français. De plus, certains considèrent cette langue d’emprunt un vestige de la colonisation, et un outil d’exclusion utilisé par les élites dans la manipulation des masses. Dans un tel contexte, faut-il donc célébrer la francophonie?

La langue française se défend elle-même comme un vibrant instrument de communication dont l’emploi ouvre à ses locuteurs des horizons sur les cultures et les civilisations les unes plus différentes que les autres. Elle n’est plus imposée par la France mais choisie par les hommes et les femmes du monde entier. Elle mue et s’enrichit avec le temps, au gré des ajouts et des empreintes des littératures variées dont elle fait l’écho. Célébrer la francophonie, c’est célébrer un élément important de notre patrimoine culturel ; c’est aussi célébrer l’opportunité d’échanges et de connexion avec les autres pays francophones de la planète.

Mario Malivert
mariomalivert@yahoo.com

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