Publié dans Le Nouvelliste du 7 juin 2019
Dans Journal d’un
écrivain en pyjama (2013), Dany Laferrière offre des réponses à plusieurs
questions autour de la littérature, à travers « cent-quatre-vingt-deux chroniques », sans compter les huit
paragraphes (chapitres) de La promesse du
premier roman, la première partie du livre, une sorte de préface ou d’introduction,
où l’auteur parle de l’époque où il a écrit son premier roman : Comment faire l’amour avec un nègre sans se
fatiguer (1985). Dans ce journal, Dany Laferrière s’adresse à ses lecteurs,
mais particulièrement aux personnes qui aspirent à embrasser le métier
d’écrivain.
L’auteur nous livre ses réflexions sur plusieurs aspects
du métier d’écrivain et du processus de l’écriture, en employant un style
simple, « désinvolte », comme s’il s’agit d’une conversation
ordinaire entre lui en pyjama et un jeune auteur, assis autour d’une table
sirotant chacun une tasse de café ou un verre de vin. Il évoque volontiers ses
auteurs préférés sans pour autant encombrer ses chroniques d’un flot de
citations. Il n’a pas catégorisé ses chroniques ; elles se succèdent au
gré de son inspiration et de son humeur. Cependant, il revient souvent sur deux
questions en particulier : Qu’est-ce qu’un écrivain ? Et Comment
devient-on un bon écrivain ?
Qu’est-ce
qu’un écrivain ?
Le dictionnaire du Centre National de Ressources
Textuelles et Lexicales propose deux définitions, d’abord « Celui, celle
qui compose des ouvrages littéraires », ensuite « Personne habile
dans l’art d’écrire », citant Valéry : « Un écrivain, en France, est autre chose qu'un homme qui écrit et
publie. Un auteur, même du plus grand talent, connût-il le plus grand succès,
n'est pas nécessairement un « écrivain ». (Regards sur le monde actuel, 1931,
p. 186.) Dany Laferrière semble embrasser la première définition. Et selon lui,
l’écrivain peut être bon, mauvais, ou raté. Dans la chronique 113, il définit un
bon écrivain comme « quelqu’un qui a écrit un bon livre. »
Il passe en dérision la notion de grand écrivain
(Chronique 64), une étiquette accompagnée de privilège et de gains pécuniaires,
« même si vous n’avez écrit aucun livre digne de ce nom depuis plus de
vingt ans. » Et il conclut avec cette phrase : « Il n’y a rien
de plus facile que d’être un grand écrivain, il faut un certain ton et un
certain âge, mais ce qui est difficile c’est d’être un bon écrivain. »
Comment
devient-on écrivain ?
L’écrivain doit être un lecteur: «...tout écrivain est
d’abord un lecteur. C’est parce qu’il a tant aimé lire qu’il a voulu
écrire. » (Chronique 40). Il faut commencer avec les classiques :
« Je conseille à tout jeune écrivain de lire surtout des
classiques... », tels que Horace, Homère, Sénèque, Tacite, et Virgile.
Laferrière éprouve un immense plaisir à lire, d’ailleurs il le fait souvent dans
son bain, allongé dans une baignoire.
L’aspirant écrivain doit savoir que l’écriture, loin
d’être un exercice de plaisir, est souvent imprégnée d’angoisse et de
souffrance : « La terrible angoisse de l’écrivain face à cet univers
qui n’existe que dans sa tête et qu’il va tenter de mettre au monde. »
(Chronique 14). Pour arriver à écrire de bons livres, il vous faut
« beaucoup de rigueur, des nerfs solides et une formidable capacité de
travail. » (Chronique 92).
Laferrière donne aussi des conseils pratiques concernant
l’acte d’écrire, se référant surtout au roman. Par exemple, il parle du ton et
de la première phrase : «Cette première phrase n’a pas besoin d’être trop
éclatante. C’est toujours mieux de garder, au début, ce ton modéré qui
permettra à l’histoire de se déployer par la suite. » Chronique 18), du
style, des adjectifs, des descriptions : (« Éviter les longues
descriptions » Chronique 21), de la digression, de la meilleure façon de débuter
une histoire, et des fesses : (« La première qualité d’un écrivain
c’est d’avoir de bonnes fesses. » Chronique 109).
Journal
d’un écrivain en pyjama, un
livre à lire ou à relire.
Mario Malivert
mariomalivert@yahoo.com
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