Adaptation cinématographique du livre haïtien


Publié dans Le Nouvelliste du 15 mai 2019


L’adaptation cinématographique des œuvres littéraires joue un rôle important dans l’épanouissement du cinéma. De nombreux grands films sont produits à partir de romans, de biographies, d’autobiographies, d’essais, ou de livres d’histoire. Dans certains cas, le livre n’est devenu bestseller qu’après son adaptation cinématographique. Dans d’autres cas, le film vient profiter du succès déjà confirmé du livre. Ainsi, la coopération du livre et du cinéma se présente tel un pari hautement lucratif tant pour l’auteur et son éditeur que pour le studio ayant les droits d’adaptation du livre.

Des exemples de fameuses adaptations pullulent dans l’histoire du grand écran. Citons les Dix Commandements (1956) de Cecil B. DeMille, basé sur le livre Exode de la Bible et sur trois autres livres inspirés par la sortie du peuple juif de l’Égypte ; ou l’adaptation cinématographique de la série Harry Potter de J. K. Rowling ; ou celle des Misérables de Victor Hugo. L’adaptation cinématographique aide certains écrivains, tels que Cormac McCarthy,—avec No Country for old men (2007) et The road (2009)—dont les livres jouissent d’une niche de lecteurs avertis, à atteindre un plus large public. C’est grâce à l’adaptation du mémoire Black Klansman (2014) de Ron Stallworth que Spike Lee a gagné en février dernier son premier oscar.

C’est donc une pratique courante dans les pays à production cinématographique élevée d’adapter des livres à la télévision ou au cinéma. Les deux média (livre et cinéma) racontent des histoires, campent des personnages intéressants, envoûtent le public dans du suspense intenable, et catapultent notre imagination dans une réalité autre. Les livres constituent pour les professionnels du cinéma une source d’inspiration inépuisable.

Mais en Haïti, on peut compter sur les doigts les films haïtiens basés sur des livres. Citons Gouverneurs de la Rosée (1975), réalisé par Maurice Failevic, basé sur le roman du même titre de Jacques Roumain; Bicentenaire de Lionel Trouillot, adapté en France sur le grand écran par François Marthouret, sous le titre de Port-au-Prince, Dimanche 4 janvier (2015) ; et quatre adaptations des livres de Dany Laferrière : Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer (1989), Comment conquérir l’Amérique en une nuit (2004), Le goût des jeunes filles (2004), et Vers le sud (2005). Signalons que tous ces films sont produits non par des haïtiens mais par des réalisateurs étrangers (français ou canadiens).

Pourquoi les professionnels du cinéma haïtien négligent-ils l’adaptation des livres ? La Famille des Pitite Caille et Zoune chez sa ninnaine de Justin Lhérisson feraient des comédies satiriques inoubliables. Les Arbres Musiciens et Compère General Soleil de Jacques Stephen Alexis feraient de grands films de drame social. De nombreux romans haïtiens contemporains feront aussi de grands films, tels que les polars et livres fantastiques de Garry Victor ; ceux de Ketly Mars (Aux frontières de la soif ou L’Ange du patriarche, entre autres) ; Impasse Dignité d’Émelie Prophète ; pour ne citer que ceux-là.

Pour ouvrir une brèche et donner espoir à l’adaptation cinématographique en Haïti ou par les Haïtiens, Frantz Jean Baptiste, l’auteur du roman Faut-il garder cet enfant ? publié par Jebca Editions en 2016, vient d’en faire un film intitulé L’enfant du destin, dont la première se fera le 5 mai prochain à Boston. Nous espérons que dans les mois à venir le cinéaste-écrivain fera une tournée en Haïti avec son film, et qu’il sera bien accueilli et apprécié par le grand public. Nous espérons aussi que d’autres professionnels du cinéma haïtien tourneront tout comme Frantz Jean-Baptiste vers le livre pour puiser des sujets ou des histoires pour leurs projets cinématographiques.

Mario Malivert
mariomalivert@yahoo.com

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