Les prix littéraires
jouent un rôle important dans la promotion du livre. L’auteur du livre qui
vient de sortir cherche des lecteurs. En face de lui plusieurs autres livres.
Il lui faut donc se distinguer, attirer l’attention du lecteur, le convaincre
qu’il vaut son temps et son argent. Un ou des prix littéraires aident. Certains
livres n’en ont pas besoin pour se trouver des lecteurs. D’autres, si. Un prix
distingue le livre et son auteur du lot, du tas, de l’anonymat.
Chaque année, dans
les grandes métropoles, les maisons d’édition s’acharnent à gagner des prix
littéraires, car ils propulsent les ventes, confirment des auteurs établis, et
imposent des émergents. En France, par exemple, la plupart des prix littéraires
n’acceptent de soumissions que des éditeurs, incitant ces derniers à soumettre
leurs meilleurs titres, donc à faire une première sélection. En Haïti, les prix
littéraires n’imposent que rarement cette restriction : les livres peuvent
être soumis par éditeurs ou auteurs.
De plus, la plupart
de nos prix littéraires n’acceptent que des manuscrits. Ce qui diminue le rôle
des éditeurs, non seulement dans la sélection des ouvrages soumis, mais aussi
dans la promotion et la vente des livres primés. En acceptant des manuscrits,
l’institution responsable du prix littéraire doit investir dans la production
et la promotion du livre primé, augmentant ainsi sa charge économique et menaçant
sa capacité de pérenniser le prix. Mais si le prix se base sur les livres déjà
publiés, les responsables se limiteront au processus d’octroi de prix et les
éditeurs à celui de production et de vente des livres primés.
En s’insérant dans la
production des livres primés, les responsables ne seront-ils pas tentés de
mettre à l’écart les manuscrits volumineux ? Pendant ces dernières années
n’a-t-on pas vu une recrudescence de titres primés faisant à peine une centaine
de pages et montrant une qualité d’impression laissant beaucoup à
désirer ? Un bon moyen de démanteler cette perception est d’accepter uniquement
des livres publiés, stimulant ainsi les éditeurs à soumettre des ouvrages de
bonne facture, non seulement dans le fond mais aussi dans la forme.
Une dizaine de prix
littéraires existent en Haïti, le doyen étant le prix Henri Deschamps, lancé en
1975, et qui est cette année à sa 42e édition. De par sa longévité, ce prix a
le potentiel de s’imposer dans la cour des grands, parmi les Goncourt ou
Renaudot en France, le Pulitzer aux États-Unis, ou le Prix Booker dans le
Royaume-Uni.
La Direction
Nationale du Livre (DNL) a institué depuis 2015 deux prix littéraires : Prix National Jacques Stephen Alexis (pour
le roman) et Prix René Philoctète (pour la poésie). Le grand atout de la
DNL est son statut d’organisme d’état, donc la possibilité de donner une
ampleur nationale à ses prix littéraires. Souhaitons que ces prix pérennisent,
malgré les changements de leadership et d’orientation qui se produisent avec
chaque nouvelle équipe gouvernementale.
Deux autres prix
méritent notre attention : Prix Pwezi Kreyòl Dominique Batraville, lancé
en 2014 par les Éditions Pulùcia ; et Le Prix George D. Castera de la
Bibliothèque du Limbé. Ces deux-là font parti des rares prix en Haïti à primer des
ouvrages déjà publiés, contribuant ainsi à attiser l’intérêt des éditeurs.
Ainsi, l’octroi du Prix George D. Castera à Yanick Lahens, en 2015, pour le
recueil de nouvelles, « La folie était venue avec la pluie », n’a
t-il pas augmenté les revenus de Legs Edition qui l’a réédité.
D’autres prix non
mentionnés dans cet article jouent leur partition dans la promotion du livre en
Haïti. Nous invitons les auteurs et éditeurs à supporter tous les prix
littéraires en y soumettant leurs ouvrages ou manuscrits. Nous invitons aussi
le jury et les administrateurs des prix à cultiver un esprit de transparence,
de justice, et d’équité dans l’octroi des prix. L’opacité du processus de sélection
et le soupçon de favoritisme sapent le prestige des prix. Nous encourageons
aussi les prix littéraires en Haïti à publier la liste des finalistes, avant
d’annoncer, quelques semaines plus tard, le résultat final. Le fait d’être
parmi les finalistes peut représenter une prouesse non négligeable pour les
auteurs et un avantage compétitif pour les éditeurs. Qui ne connait pas que « La
belle amour humaine » de Lyonel Trouillot était finaliste du Prix Goncourt
2011 ?
Mario Malivert
mariomalivert@yahoo.com
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