Diogène Nèg Mawon de Charlot Lucien

Par Mario Malivert
Paru dans Le Nouvelliste du 21/7/2017



En Octobre 2016, Charlot Lucien sortit sous le label JEBCA Éditions son cinquième album d’histoires : Diogène Nèg Mawon. De Ti Oma, son premier album, en passant par Ti Cyprien, Grann Dede, et San bri san kont, jusqu’à ce dernier, Charlot Lucien a confirmé sa place dans le panthéon des grands diseurs et conteurs haïtiens, aux côtés de Maurice Sixto et de Jean-Claude Martineau (Koralen). Le CD contient plusieurs titres dont les quatre présentés ci-dessous.

Le premier, Diogène Nèg Mawon, nous renvoie au tremblement de terre du 12 janvier 2010. C’est l’histoire de Diogène, un jeune homme de 18 ans, qui travaille dans un hôtel de Pétion-ville, et de Mme Bonnachi, la propriétaire de l’hôtel. L’hôtel effondré, les deux protagonistes, économiquement et socialement si éloignés l’un de l’autre, se retrouvent réunis sous les décombres, et doivent dépendre l’un de l’autre pour rester en vie. Les survivants du séisme évoquent souvent les bennes et les fosses communes où gisaient ensemble les cadavres des riches et des pauvres. Charlot Lucien nous rappelle que face aux forces naturelles, nos cloisons sociales se révèlent telles qu’elles sont : des instruments mesquins d’exclusion.


Le deuxième, Hommage à l’étudiant inconnu, est à la fois un hommage et un avis de recherche. Hommage à un étudiant qui, en 1988, a galvanisé ses camarades en décidant de marcher seul dans une manifestation dont les organisateurs n’avaient pas obtenu un permis de la municipalité. Et un avis de recherche, parce que l’auteur demande, par le biais de ce CD, l’aide des personnes présentes lors du lancement de la manif, pour retrouver cet étudiant afin de lui serrer la main. Si quelqu’un détient des informations qui peuvent servir à retrouver ce vaillant étudiant, il peut contacter Charlot Lucien à cljconsulting@gmail.com.
Le troisième, Révolution téléphonique, met en scène deux personnages récurrents de l’auteur : Coriolan et Barzol. Charlot Lucien nous a introduit ces deux personnages loquaces dès son premier CD, Ti Oma. Depuis lors, ils se manifestent dans chaque CD et continuent de nous épater par leur dialogue agrémenté d’humour et de sarcasme. Dans cette histoire, les deux compères attaquent cette manie qu’ont certains à pavoiser avec plusieurs portables.

Le quatrième, Henri Christophe ou la torche de la liberté, est un poème épique, relatant la bravoure du général Henri Christophe, lors des guerres de l’indépendance d’Haïti, face à la sommation par le général Leclerc de l’armée française d’abdiquer la ville du Cap. Ce titre est de la même veine que le poème Le Baptême de Capois-la-Mort du CD Ti Cyprien. Les deux bénéficient de l’apport d’un arrangement musical hors pair.

Pour les musiques d’accompagnement, Il est à signaler la contribution du baryton lyrique Pierre Gardy Fontaine dans la chanson "Tande priyè pitit Bondye", ainsi que celle de Manno Chalmay et d’Yvon André dit Kapi.


Avec déjà cinq albums à son actif, Charlot Lucien continue à maintenir en vie la tradition des lodyans. Chacune de ses histoires constitue des pochettes de sang qu’il transfuse à ce genre pour qu’il ne meure point. A vous, animateurs et directeurs de programmation dans les stations de radio, de proposer à vos auditeurs les histoires de ce griot contemporain. Ils vous en seront reconnaissants.

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