La folie d'écrire


Deux mois déjà depuis Livres en Folie. Pour une quinzaine de jours, les fous du livre ont dominé l’actualité. Des fous, tous ceux qui s’intéressent au livre, dans un temps dominé par les textes en ligne, qu’on tape sur le quadrant lumineux d’une tablette ou d’un portable intelligent. Des fous, tous ceux qui rêvent de devenir Franketienne ou Yanick Lahens, de remporter des prix prestigieux, d’être des invités d’honneur de salons ou de foires de livre. Des fous, tous ceux qui lisent encore…Mais quand même, des fous doux. Car nous ne lançons pas de pierres aux petits larrons du quartier qui nous taquinent à tout bout de champ. Les mots, sous nos yeux dégagent du charme, qui nous subjugue, qui nous donne des lubies de grandeur, comme si les mots sont tout ce qui compte, tout ce qui a de la valeur intrinsèque. Bien qu’autour de nous, nos proches se foutent des mots, enfin ceux qui ne sont pas aussi fous que nous.

J’ai apporté aux deux librairies La Pléiade dix exemplaires de La tête chauve des mornes. Combien de temps prendra-t-il pour écouler dix livres ? Sera-ce un, deux, trois ans, ou même plus ? Quand je m’attarde à l’intérieur de La Pléiade, humant l’odeur de papier neuf, les allées sont rarement bondées, comme si les librairies font peur aux gens—sanatorium des temps modernes. Les livres, ici-bas, n’ont plus de valeur. Il faudrait les donner gratuitement aux gens pour que quelques-uns d’entre eux laissent de côté leur écran lumineux pour lire un livre.

Les éditeurs sont encore plus fous que les auteurs. Vendre des livres ne peut être un business rentable, mais un sacerdoce, le moins qu’on puisse dire. Ce que font les illuminés pour passer du temps. Et pourtant, avec Livres en folie, les éditions ont poussé comme des champignons. Elles sont des dizaines, pendant ces dix dernières années, à accompagner les auteurs à présenter au monde leurs petits joyaux.

Donc, pourquoi écrire ? Pourquoi perdre son temps à arranger des mots, les uns après les autres, à inventer des signes, à chanter l’amour, à dénoncer les salauds de l’histoire, à questionner Dieu, à contredire des poètes maudits (Baudelaire, Rimbaud, Verlaine, etc.), des philosophes damnés (Nietzsche, Sartre, et les autres), ou des romanciers obsédés (Balzac, Hugo, Dickens, etc.). Parce qu’on n’a pas le choix ; on ne peut faire autrement.
 
Mario Malivert, 12 aout 2015

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