Par Mario Malivert
Paru dans le Nouvelliste du 4/7/2017
Voilà un roman paysan dont
les personnages principaux sont de grands propriétaires terriens. Quand on considère
Gouverneurs de la rosée de Jacques Roumain, Bon Dieu rit d’Édris Saint-Amand, et
même, plus près de nous, Bain de Lune de Yanick Lahens, les romans paysans
parlent en général des démêlées de pauvres cultivateurs malmenés et exploités
par des membres de l’oligarchie. Mais ici, dans son roman La Colline, publié en
2015 par JEBCA Éditions, Y. Gontran Lamour Jr., non seulement met en exergue des
fils de grands dons, mais aussi il les
décrit généreux et sensibles aux besoins des paysans.
Le livre commence avec
Salomon Jamot, pilotant sa Jeep Willis, en route vers Damasville, son patelin. Il
devait rejoindre sa famille pour les funérailles de son père, Maurice Jamot, un
arpenteur et l’un des grands propriétaires terriens de la région, dépeint
d’ailleurs par l’auteur en ces termes élogieux: « Il était connu pour son
aversion contre l’injustice, pour son penchant à aider les paysans, pour son
sens communautaire, et son entêtement à défendre la cause des autres. »
(Page 12). Ce retour inattendu de Salomon va réveiller son admiration pour
Damasville et La Colline, et son amour pour Mignonne Désir.
Ce roman est un véritable
hymne à la beauté naturelle de la côte sud du pays, qui resplendit sous la
plume de l’auteur tel un coin paradisiaque, où tout le monde se connait et se
respecte, et où les us et coutumes de la vie paysanne sont encore de mise. Ainsi,
un courant nostalgique, difficile à nier, traverse tout le livre, quand on
connait la dure réalité des rues garnies d’immondices, même de nos villages les
plus reculés, et du lynchage de nos mœurs par la violence des cultures
occidentales dominatrices. L’écriture limpide d’Y. Gontran Lamour Jr. semble
elle aussi se démarquer des sophistications du modernisme.
Mais, à force de présenter
Damasville et La Colline sous des couleurs idylliques, tant par leurs plages et
leur verdure que par leurs habitants exemplaires, l’auteur n’exploite pas assez
certains tournants du récit bourrés de suspense potentiel. Par exemple, quand
Salomon refuse de vendre les terres de La Colline au maire Demesvar Dubois (l’unique
personnage déplaisant du livre) et arrange à l’insu de celui-ci son propre
contrat de vente de café avec les fermiers, le maire (qui a l’habitude de faire
« des emprunts à des taux exorbitants et pressuraient [les fermiers] de
vendre leurs récoltes à des prix tellement dérisoires que ces pauvres gens perdaient
pantalon et chemise, littéralement. » Page 25) ne se venge qu’avec une
tentative d’incendie d’un entrepôt, une riposte molle pour un personnage aussi
rapace et puissant (et qui va d’ailleurs décéder à la fin du livre, laissant libre
cours aux projets de Salomon). Ou quand Salomon découvre l’existence d’un frère,
Robert, le jour même des funérailles de son père, donc un cohéritier inattendu
et encombrant, tous les membres de la famille accueillent le nouveau venu à
bras ouverts, sans exprimer aucune forme de suspicion et de remontrances.
Celui-ci finit même par être supplié de joindre l’entreprise familiale et de se
lier avec une infirmière, Sonia, sous les regards reconnaissants et
approbateurs des membres de la famille.
Salomon fait penser au
Manuel de Jacques Romain. Les deux personnages reviennent chez eux après un
long séjour à Cuba pour Manuel, et à Port-au-Prince pour Salomon ; et les
deux cherchent aussitôt de retour à améliorer la situation économique de leur
village respectif. Mais là s’arrête la similitude entre eux: Manuel, fils de
paysans, n’a pas survécu son succès à découvrir une source d’eau, alors que
Salomon, fils de riches propriétaires, a réussi à rallier les fermiers et rétablir
l’emprise de sa famille sur le marché du café.
Somme toute, La Colline
est un roman plaisant qui démontre les talents innés de conteur d’Y Gontran
Lamour Jr. On se laisse facilement emporter par son enthousiasme et sa verve
intarissable pour ses chères Damasville et La Colline.
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