Dans L’Immigrante, son premier roman, Antony Fortunat nous présente
Liliane, une jeune femme élégante « qui possède toutes les armes de la séduction »,
mais dont la vie devient compliquée suite à une grossesse précoce. Dans
l’obligation de gagner sa vie, pour prendre soin de son enfant, Liliane endure
un boulot de ménagère dans une maison située dans une banlieue de la capitale.
Là, un matin, suite à la cassure d’un vase en porcelaine, Marie Joe, sa patronne,
pète les plombs et traite Lilianne de tous les noms. Au lieu d’encaisser les invectives
de son employeuse, Liliane riposte véhémentement, tout en défendant sa dignité.
En fin de compte, vexée par les propos dédaigneux de Marie Joe, Liliane prend la
lourde décision de rendre son tablier. Par chance, peu de temps après, elle se
voit offrir un voyage clandestin vers la Floride, à bord d’une embarcation de
fortune. Durant le voyage, malgré les conditions précaires de la traversée,
Liliane trouve le temps et l’espace de forger avec Laurent, un jeune homme idéaliste,
une amitié porteuse de promesses pour l’avenir.
Interceptée par la garde-côte américaine, avec ses compagnons
de voyage, Liliane est enfermée dans une cellule, et s’attend au pire. Mais, quelques
heures plus tard, durant son interrogatoire par un officier de l’Immigratiom, des
signes prometteurs surgissent. Le lendemain, contre toute attente, Liliane recouvre
sa liberté et est emmenée par un taxi vers la maison de M. Vol Mar, l’oncle de Marie
Joe qui a tout arrangé pour le voyage et la libération de Liliane.
A la maison Vol-Mar, Liliane reprend son rôle de ménagère, en
guise de compensation pour le coût de la traversée et d’autres combines. Reléguée
dans une dépendance exigue et malsaine, travaillant nuit et jour sans la
moindre rémunération, et sujette aux sautes d’humeur et aux crises de jalousie de
la femme de M. Vol Mar, Emilie, une quinquagénaire européenne, Liliane se retrouve
dans une situation pire que celle qu’elle a connue en Haiti, bien qu’elle soit dans
le pays où même les parias de la société sont accueillis par la statue de la
Liberté.
Après cinq ans de restavek,
Liliane est expulsée de la maison Vol Mar, pour cause d’impertinence, et lachée
en pleine nuit dans un quartier désert. Enfin libre de son statut de ménagère,
l’on s’attend dans les prochains chapitres à retrouver une Liliane évoluant
dans de meilleures conditions de vie. Mais, très vite, notre héroine est
replongée dans une situation de mainmise abusive, sous la férule, cette fois-ci,
d’une certaine Céline qui fait penser à ces maîtresses de bordel des westerns
de jadis.
Qu’adviendra-il de Liliane ? Aura-t-elle assez de force et
de courage pour endurer d’autres vicissitudes ? Connaîtra-t-elle enfin le répit
qu’elle mérite ? Retrouvera-t-elle Laurent sur sa route ? Autant de questions
que l’auteur nous force à poser et qui nous pousse à tourner les 268 pages du roman,
tout en restant subjugués par les charmes et la force de caractère de Liliane.
L’Immigrante contient tous les ingrédients d’un roman traditionnel.
On est loin des techniques narratives modernes prisées par Lyonel Trouillot et
Makenzy Orcel ou de celles d’enchâssement proposées dans Maudite Education de Gary
Victor et Bain de Lune de Yanick Lahens. Somme toute, Antony Fortunat nous offre
une histoire touchante, inspirante de courage et de perséverance. Son premier
roman montre bien ses talents de narrateur. Dans ses prochains livres, s’il y en
aura, pour qu’il s’assure une place priviligiée dans la littérature romanesque,
il suffit qu’il assouplisse ses dialogues, souvent trop formels, surtout ceux
énoncés par Liliane ; qu’il enrichisse ses personnages, qui peuvent
sembler unidimentionnels au lecteur averti (Liliane est rigide et parfaite, ses
patronnes sont toutes abusives); et qu’il évite les trames et lieux communs des
romans de gare.
Mario
Malivert
mariomalivert@yahoo.com
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