Besoin de lire

Mario Malivert

Paru dans le Nouvelliste du 24/5/2017

Les 15 et 16 juin prochains, Livres en folie nous invite une fois encore à la célébration des livres et des auteurs. De par le nombre imposant des participants et l’inclusion de la majorité de nos maisons d’édition, c’est la plus grande fête du livre en Haïti. Fête pour les auteurs qui ont l’opportunité de partager avec le public leurs idées et leurs philosophies de la vie. Fête pour les lecteurs qui ont l’opportunité d’acheter à plus de 30% de rabais des livres qu’ils vont pouvoir déguster pendant des mois.

Dans un pays où les habitants rechignent sous le poids d’un pouvoir d’achat anémique, pourquoi acheter des livres avec de l’argent qui aurait pu servir à satisfaire des besoins essentiels, tels qu’aliments, vêtements, etc. ? Certains diront que le manque de lecture ne tue pas, mais le manque de nourriture, si ; ou qu’on lit uniquement pour se divertir, pour passer le temps, pour s’échapper de la monotonie du train-train de la vie. En fait, on lit pour apprendre, pour grandir, pour se découvrir, pour s’enrichir, comme l’a dit J. Addison : « La lecture est à l’esprit ce que l’exercice est au corps ». Sans exercice nos muscles s’atrophient ; de même, sans lecture notre esprit se ratatine. La lecture est donc nécessaire pour notre épanouissement physique et mental. Emmanuel Kant abonde dans le même sens : « Une lecture amusante est aussi utile à la santé que l’exercice du corps. »

Le livre nous connecte avec un univers d’idées, d’approches, d’expériences, de rêves, et d’aspirations. Le livre est une fenêtre sur le monde, sur la vie. « La lecture, une porte ouverte sur un monde enchanté. » (François Mauriac). Sans nous déplacer de notre fauteuil ou de notre lit, grâce aux livres, nous pouvons voyager jusqu’aux extrémités de la terre, explorer les secrets de la mer en compagnie de Jacques Cousteau, voguer dans les gondolas de Venise avec Ernest Hemingway, découvrir les secrets de Port-au-Prince avec Georges Corvington.

Même les livres à vocation de loisir, tels que romans, poèmes, et théâtre, nous enseignent sur les gens, les mœurs, et les civilisations. Vous voulez percer la problématique de l’eau chez le paysan haïtien, lisez Gouverneurs de la rosée de Jacques Roumain ; ou vous voulez comprendre les manigances des uns et des autres pour gravir les échelons sociaux, lisez Themistocle Epaminondes Labasterre de Frédéric Marcelin. La plupart des romans se déroulent dans des villes et des villages réels que nous connaissons et où souvent nous demeurons. Les auteurs de fiction créent leurs personnages soi-disant fictifs à partir des gens et des peuples qu’ils ont connus et observés de près ou de loin. Même les auteurs de science-fiction se basent sur des points de repère identifiables pour imaginer les aléas du monde irréel ou surréel—le fameux vers de Paul Éluard, « La terre est bleue comme une orange » en est un exemple.

Toute discipline scientifique a ses livres et manuels. Vous ne pouvez pas devenir médecins ou agronomes ou avocats sans lire des manuels sur ces différentes disciplines. Beaucoup de personnes influentes associent leur ascendance dans leur discipline respective à la lecture assidue. La fréquentation de librairie est un passage obligé pour atteindre les sommets de la vie. Le livre est incontournable, si on veut acquérir des connaissances et développer des compétences spécifiques.

Tout est consigné dans les livres ; disons, tout ce qui est important. Par exemple, vous voulez découvrir la mission de l’homme sur la terre, ou s’il y a une vie après la mort, ou si Dieu existe, lisez donc les livres spirituels, tels que la Bible ou le Coran. Ce n’est pas un hasard que le livre le plus lu du monde reste la Bible, le premier livre imprimé, en 1455, par Johann Gutenberg, dont la technique d’utilisation de caractères mobiles ouvrira la porte à l’impression massive de textes.

Il ne suffit pas de lire, il faut se constituer une bibliothèque personnelle, où nous pouvons garder nos livres, surtout les bons qui exigent souvent des relectures. Ils servent aussi de référence et de source de citations pour nos travaux de recherche. Tout comme les livres d’un auteur reflètent sa personnalité, ses préoccupations, et sa conception de la vie, les livres de la bibliothèque personnelle du lecteur reflètent ses intérêts, ses aspirations, et ses préférences. Un simple coup d’œil sur les livres de la bibliothèque de quelqu’un peut nous éclairer sur sa personnalité.

Une bibliothèque personnelle n’est pas l’affaire d’un jour ou d’une semaine. Ça se construit pendant des années, d’un livre à un autre, d’un auteur à un autre, d’une préoccupation intellectuelle à une autre. Ce n’est pas une pile de cinq à dix livres, mais plusieurs étagères de livres de toutes sortes. Il nous faut donc acheter des livres, tout le temps. Il nous faut aussi fréquenter les librairies de la place, même quand on n’a pas d’argent, afin de rester connecter avec le livre et les auteurs. Les foires du livre, telles que Livres en folie, sont parmi les opportunités à ne pas rater pour enrichir sa bibliothèque.


Lire est un besoin. Montesquieu le reconnait bien : « Une heure de lecture est le souverain remède contre les dégouts de la vie. » Nul n’est immun contre les tintouins de la vie. Pour vaincre l’anxiété des jours creux, la morosité des nuits sans amour, le visage blafard du temps perdu sous le soleil, nous avons besoin de lire. Profitons donc cette année de Livres en folie pour remplir de livres notre besace.

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