La Marche des Noyés de Lyonel Vilfort

Publié dans Le Nouvelliste du 29 janvier 2016

Dans La Marche des Noyés, Lyonel Vilfort nous offre 250 pages de textes poétiques, un exploit pour un livre de poèmes, qui d’habitude chez nous dépasse rarement une centaine de pages. Le livre contient 13 chapitres où se suivent pêle-mêle des textes et des poèmes.
Lyonel Vilfort déploie sa verve dans une avalanche de mots, d’images, de symboles, et de figures de style, dont le flot démontre la passion du poète pour les mots qui illuminent les pages, les mots qui peuplent les plus beaux poèmes du monde, les mots qui ont bercé l’âme de Ronsard, de Roussan Camille, ou de Pablo Neruda.

La Marche des Noyés est un chant long et languissant, avec des accords aussi nationaux qu’universels, qui chante l’âme du poète à travers ses pérégrinations. Les thèmes abordés varient au gré de l’inspiration du poète, avec en certains endroits des points de repère spécifiques, comme dans ce poème à la page 39, qui débute en ces termes :


« Mes frères.
Ceux qui n’ont pas eu le temps de sarcler leur dernière moisson d’éclairs dans les grandes plantations de canne-à-sucre en république d’amertume. »


Dans ce texte le poète délaisse un peu son style alambiqué pour chanter en des termes concrets les affres de ses frères de Chicago, de Little Haiti, ou de Trou-Foban.



Lyonel Vilfort chante aussi les peintres. Dans le chapitre Cœur Angulaire (pages 67 à 78), il passe en revue, en quelque sorte, Michel-Ange, son « beau cousin germain » ; Marc Chagall, son « frère de sang » ; Frida Kahlo « morte de bonheur avec des fleurs dans l’âme et des rêves sur le visage, avec un éclair de tequila dans ses yeux touffus et du soleil aztèque dans sa voix de mariachi. » ; Hector Hyppolite, dont « [les] entités primitives, ailes maladroites dans une géométrie capiteuse, peignent des rêves ombilicaux sur mon front » ; Préfète  Duffaut, « poète des cerfs-volants éteints dans le vent comme des papillons dans les larmes d’un bénitier » ; et Robert St Brice, qui « démantibule son escalier d’étoiles qui glane le sommet renversé des cieux.»

Dans le chapitre Chant du Marron Inconnu, le plus long du livre (pages 153 à 200), le poète dénonce l’Américain, « le conquérant barbare demi-mort d’ennui au milieu des médailles de bronze gravées à l’effigie vespérale de la paix » ; lui « debout à côté de ses longues brûlures que la mort des autres mercenaires a mal raccommodées».

A travers La Marche des Noyés, Lyonel Vilfort met en exergue sa verve intarissable et son exubérance avec les mots. Les images s’entrecroisent et se percutent dans un rythme effréné. Cette effervescence de métaphores, d’antithèse, et de personnification, entre autres, est un régal poétique que le lecteur exercé peut savourer à cœur joie, mais qui peut dérouter le lecteur moins avisé.

Lyonel Vilfort, La Marche des Noyés, 261 pages.

Mario Malivert
mariomalivert@yahoo.com

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